Carta autobiográfica de Mallarmé

 

Stephan Mallarmé

En esta carta dirigida a Paul Verlaine, Stéphan Mallarmé relata su encuentro con la poesía y los viajes a través de Inglaterra. En versión del ensayista y traductor, José Miguel Barajas, la misiva nos transporta a la alcoba del poeta en un lunes de noviembre de hace más de ciento veinte años..

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Mon cher Verlaine,

Je suis en retard avec vous, parce que j’ai recherché ce que j’avais prêté, un peu de côté et d’autre, au diable, de l’œuvre inédite de Villiers. Ci-joint le presque rien que je possède.

Mais des renseignements précis sur ce cher et vieux fugace, je n’en ai pas : son adresse même, je l’ignore ; nos deux mains se retrouvent l’une dans l’autre, comme desserrées de la veille, au détour d’une rue, tous les ans, parce qu’il existe un Dieu. À part cela, il serait exact aux rendez-vous et, le jour où, pour les Hommes d’Aujourd’hui, aussi bien que pour les Poètes Maudits, vous voudrez, allant mieux, le rencontrer chez Vanier, avec qui il va être en affaires pour la publication d’Axël, nul doute, je le connais, aucun doute, qu’il ne soit là à l’heure dite. Littérairement, personne de plus ponctuel que lui : c’est donc à Vanier à obtenir d’abord son adresse, de M. Darzens qui l’a jusqu’ici représenté près de cet éditeur gracieux.

Si rien de tout cela n’aboutissait, un jour, un mercredi notamment, j’irais vous trouver à la tombée de la nuit ; et, en causant, il nous viendrait à l’un comme à l’autre, des détails biographiques qui m’échappent aujourd’hui ; pas l’état civil, par exemple, dates, etc., que seul connaît l’homme en cause.

Je passe à moi.

Oui, né à Paris, le 18 mars 1842, dans la rue appelée aujourd’hui passage Laferrière. Mes familles paternelle et maternelle présentaient, depuis la Révolution, une suite ininterrompue de fonctionnaires dans l’Administration de l’Enregistrement ; et bien qu’ils y eussent occupé presque toujours de hauts emplois, j’ai esquivé cette carrière à laquelle on me destina dès les langes. Je retrouve trace du goût de tenir une plume, pour autre chose qu’enregistrer des actes, chez plusieurs de mes ascendants : l’un, avant la création de l’Enregistrement sans doute, fut syndic des Libraires sous Louis XVI, et son nom m’est apparu au bas du Privilège du roi placé en tête de l’édition originelle française du Vathek de Beckford que j’ai réimprimé. Un autre écrivait des vers badins dans les Almanachs des Muses et les Étrennes aux Dames. J’ai connu enfant, dans le vieil intérieur de bourgeoisie parisienne familial, M. Magnien, un arrière-petit-cousin, qui avait publié un volume romantique à toute crinière appelé Ange ou Démon, lequel reparaît quelquefois coté cher dans les catalogues de bouquinistes que je reçois.

Je disais famille parisienne, tout à l’heure, parce qu’on a toujours habité Paris ; mais les origines sont bourguignonnes, lorraines aussi et même hollandaises.

J’ai perdu tout enfant, à sept ans, ma mère, adoré d’une grand’mère qui m’éleva d’abord ; puis j’ai traversé bien des pensions et lycées, d’âme lamartinienne avec un secret désir de remplacer, un jour, Béranger, parce que je l’avais rencontré dans une maison amie. Il paraît que c’était trop compliqué pour être mis à exécution, mais j’ai longtemps essayé dans cent petits cahiers de vers qui m’ont toujours été confisqués, si j’ai bonne mémoire.

Il n’y avait pas, vous le savez, pour un poète à vivre de son art même en l’abaissant de plusieurs crans, quand je suis entré dans la vie ; et je ne l’ai jamais regretté. Ayant appris l’anglais simplement pour mieux lire Poe, je suis parti à vingt ans en Angleterre, afin de fuir, principalement ; mais aussi pour parler la langue, et l’enseigner dans un coin, tranquille et sans autre gagne-pain obligé : je m’étais marié et cela pressait.

Aujourd’hui, voilà plus de vingt ans et malgré la perte de tant d’heures, je crois, avec tristesse, que j’ai bien fait. C’est que, à part les morceaux de prose et les vers de ma jeunesse et la suite, qui y faisait écho, publiée un peu partout, chaque fois que paraissaient les premiers numéros d’une Revue Littéraire, j’ai toujours rêvé et tenté autre chose, avec une patience d’alchimiste, prêt à y sacrifier toute vanité et toute satisfaction, comme on brûlait jadis son mobilier et les poutres de son toit, pour alimenter le fourneau du Grand Œuvre. Quoi ? c’est difficile à dire : un livre, tout bonnement, en maints tomes, un livre qui soit un livre, architectural et prémédité, et non un recueil des inspirations de hasard, fussent-elles merveilleuses… J’irai plus loin, je dirai : le Livre, persuadé qu’au fond il n’y en a qu’un, tenté à son insu par quiconque a écrit, même les Génies. L’explication orphique de la Terre, qui est le seul devoir du poète et le jeu littéraire par excellence : car le rythme même du livre, alors impersonnel et vivant, jusque dans sa pagination, se juxtapose aux équations de ce rêve, ou Ode.

Voilà l’aveu de mon vice, mis à nu, cher ami, que mille fois j’ai rejeté, l’esprit meurtri ou las, mais cela me possède et je réussirai peut-être ; non pas à faire cet ouvrage dans son ensemble (il faudrait être je ne sais qui pour cela !) mais à en montrer un fragment d’exécuté, à en faire scintiller par une place l’authenticité glorieuse, en indiquant le reste tout entier auquel ne suffit pas une vie. Prouver par les portions faites que ce livre existe, et que j’ai connu ce que je n’aurai pu accomplir.

Rien de si simple alors que je n’aie pas eu hâte de recueillir les mille bribes connues, qui m’ont, de temps à autre, attiré la bienveillance de charmants et excellents esprits, vous le premier ! Tout cela n’avait d’autre valeur momentanée pour moi que de m’entretenir la main : et quelque réussi que puisse être quelquefois un des morceaux ; à eux tous c’est bien juste s’ils composent un album, mais pas un livre. Il est possible cependant que l’Éditeur Vanier m’arrache ces lambeaux mais je ne les collerai sur des pages que comme on fait une collection de chiffons d’étoffes séculaires ou précieuses. Avec ce mot condamnatoire d’Album, dans le titre, Album de vers et de prose, je ne sais pas ; et cela contiendra plusieurs séries, pourra même aller indéfiniment, (à côté de mon travail personnel qui je crois, sera anonyme, le Texte y parlant de lui-même et sans voix d’auteur).

Ces vers, ces poèmes en prose, outre les Revues Littéraires, on peut les trouver, ou pas, dans les Publications de Luxe, épuisées, comme le Vathek, Le Corbeau, Le Faune.

J’ai dû faire, dans des moments de gêne ou pour acheter de ruineux canots, des besognes propres et voilà tout (Dieux Antiques, Mots Anglais) dont il sied de ne pas parler : mais à part cela, les concessions aux nécessités comme aux plaisirs n’ont pas été fréquentes. Si à un moment, pourtant, désespérant du despotique bouquin lâché de Moi-même, j’ai après quelques articles colportés d’ici et de là, tenté de rédiger tout seul, toilettes, bijoux, mobilier, et jusqu’aux théâtres et aux menus de dîner, un journal, La Dernière Mode, dont les huit ou dix numéros parus servent encore quand je les dévêts de leur poussière à me faire longtemps rêver.

Au fond je considère l’époque contemporaine comme un interrègne pour le poète, qui n’a point à s’y mêler : elle est trop en désuétude et en effervescence préparatoire, pour qu’il ait autre chose à faire qu’à travailler avec mystère en vue de plus tard ou de jamais et de temps en temps à envoyer aux vivants sa carte de visite, stances ou sonnet, pour n’être point lapidé d’eux, s’ils le soupçonnaient de savoir qu’ils n’ont pas lieu.

La solitude accompagne nécessairement cette espèce d’attitude ; et, à part mon chemin de la maison (c’est 89, maintenant, rue de Rome) aux divers endroits où j’ai dû la dîme de mes minutes, lycées Condorcet, Janson de Sailly enfin Collège Rollin, je vague peu, préférant à tout, dans un appartement défendu par la famille, le séjour parmi quelques meubles anciens et chers, et la feuille de papier souvent blanche. Mes grandes amitiés ont été celles de Villiers, de Mendès et j’ai, dix ans, vu tous les jours mon cher Manet, dont l’absence aujourd’hui me paraît invraisemblable !  Vos Poètes Maudits, cher Verlaine, À Rebours d’Huysmans, ont intéressé à mes Mardis longtemps vacants les jeunes poètes qui nous aiment (mallarmistes à part) et on a cru à quelque influence tentée par moi, là où il n’y a eu que des rencontres. Très affiné, j’ai été dix ans d’avance du côté où de jeunes esprits pareils devaient tourner aujourd’hui.

Voilà toute ma vie dénuée d’anecdotes, à l’envers de ce qu’ont depuis si longtemps ressassé les grands journaux, où j’ai toujours passé pour très-étrange : je scrute et ne vois rien d’autre, les ennuis quotidiens, les joies, les deuils d’intérieur exceptés. Quelques apparitions partout où l’on monte un ballet, où l’on joue de l’orgue, mes deux passions d’art presque contradictoires, mais dont le sens éclatera et c’est tout. J’oubliais mes fugues, aussitôt que pris de trop de fatigue d’esprit, sur le bord de la Seine et de la forêt de Fontainebleau, en un lieu le même depuis des années : là je m’apparais tout différent, épris de la seule navigation fluviale. J’honore la rivière, qui laisse s’engouffrer dans son eau des journées entières sans qu’on ait l’impression de les avoir perdues, ni une ombre de remords. Simple promeneur en yoles d’acajou, mais voilier avec furie, très-fier de sa flottille.

Au revoir, cher ami. Vous lirez tout ceci, noté au crayon pour laisser l’air d’une de ces bonnes conversations d’amis à l’écart et sans éclat de voix, vous le parcourrez du bout des regards et y trouverez, disséminés, les quelques détails biographiques à choisir qu’on a besoin d’avoir quelque part vus véridiques. Que je suis peiné de vous savoir malade, et de rhumatismes ! Je connais cela. N’usez que rarement du salicylate, et pris des mains d’un bon médecin, la question dose étant très-importante. J’ai eu autrefois une fatigue et comme une lacune d’esprit, après cette drogue ; et je lui attribue mes insomnies. Mais j’irai vous voir un jour et vous dire cela, en vous apportant un sonnet et une page de prose que je vais confectionner ces temps, à votre intention, quelque chose qui aille là où vous le mettrez. Vous pouvez commencer, sans ces deux bibelots. Au revoir, cher Verlaine. Votre main

STÉPHANE MALLARMÉ

Le paquet de Villiers est chez le concierge : il va sans dire que j’y tiens comme à mes prunelles ! C’est là ce qui ne se trouve plus : quant au Contes Cruels, Vanier vous les aura, Axël se publie dans La Jeune France et l’Ève future dans la Vie  Moderne.

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París, lunes 16 de noviembre de 1885

Mi querido Verlaine:

Tengo un retraso con usted, porque he buscado lo que había fiado, por una y otra parte, al diablo, de la obra inédita de Villiers. Adjunto aquí lo mínimo que poseo.

Pero noticias precisas sobre este querido y fugaz viejo, no tengo: ignoro, incluso, su dirección; nuestras dos manos se encuentran una con otra, como soltadas en la víspera, a la vuelta de una calle todos los años, porque hay un Dios. A parte de esto, él estaría puntual en las citas y, el día en que, para los Hombres de Hoy, así como para los Poetas Malditos, quiera usted mejor encontrarlo en casa de Vanier, con quien tratará asuntos para la publicación de Axël, sin duda, yo lo conozco, sin ninguna duda, él estará a la hora mencionada. Literalmente, no hay nadie más puntual que él: corresponde entonces obtener primero la dirección de Vanier, del señor Darzens, quien hasta aquí lo ha representado  ante este gracioso editor.

Si nada de todo esto llega a buen término, un día, particularmente un miércoles, lo iré a buscar a usted, caída la noche; y en la conversación nos vendrán, al uno como al otro, detalles biográficos que hoy se me escapan; no el estado civil, por ejemplo, fechas, etc., que sólo el hombre en cuestión conoce.

Paso a mí.

Sí, nací en París, el 18 de marzo de 1842, en la calle hoy llamada pasaje Laferrière. Mis familias materna y paterna ostentaban, desde la Revolución, una serie ininterrumpida de funcionarios en la Administración del Registro; y aunque hubieron ocupado ahí casi siempre altos empleos, yo evité esta carrera a la que se me había destinado desde los pañales. Hallo rastros del gusto de sostener una pluma, para otra cosa más que registrar actas, en varios de mis ascendientes: uno, sin duda antes de la creación del Registro, fue síndico de los Libreros bajo Luis XVI y su nombre apareció debajo del privilegio del rey, situado en el encabezado de la edición original francesa del Vathek de Beckford que reimprimí. Otro escribía versos juguetones en los Almanaques de las Musas y los Estrenos para Damas. De niño conocí, en el viejo interior de la burguesía parisina familiar, al  señor Magnien, un primo lejano que había publicado un volumen romántico, llamado sin más Ángel o Demonio, el cual reaparece algunas veces  como caro en los catálogos que recibo de los libros de viejo.

Decía familia parisina, hace rato, porque siempre hemos vivido en París; pero los orígenes son borgoñones, loreneses también e incluso holandeses.

Muy niño perdí, a los siete años, a mi madre, fui adorado por una abuela que me crio primero; luego recorrí varias pensiones y liceos, fui de alma lamartiniana con un secreto deseo de remplazar, un día, a Béranger, porque lo había conocido en una casa amiga. Parecía que era demasiado complicado para ser puesto en ejecución, pero intenté mucho tiempo en cientos de cuadernos pequeños versos que siempre me fueron confiscados, si tengo buena memoria.

No había, usted lo sabe, para un poeta  el vivir de su arte incluso bajándolo varios niveles, cuando entré en la vida; y nunca lo he lamentado.  Aprendí el inglés simplemente para mejor leer a Poe, partí a los veinte años a Inglaterra, con el objeto de escapar, principalmente; pero también para hablar la lengua, y enseñarla en un rincón, tranquilo y sin otro ganapán obligado: me había casado y eso me presionaba.

Hoy, he ahí más de veinte años y a pesar de la pérdida de tantas horas, creo, con tristeza, que hice bien. Es que, además de los pedazos de prosa y los versos de mi juventud y el resto, que ahí hacía eco, publicada un poco por todas partes, cada vez que aparecían los primeros números de una Revista Literaria, he soñado siempre e intentado otra cosa, con una paciencia de alquimista, dispuesto a sacrificar toda vanidad y toda satisfacción, como otrora uno quemaba su mobiliario y las vigas del techo, para alimentar el horno de la Gran Obra. ¿Qué? Es difícil de decir: un libro, simplemente, en varios tomos, un libro que sea un libro, arquitectural y premeditado, y no una selección de inspiraciones del azar, aunque fueran maravillosas… Iré más lejos, diré: el Libro, persuadido de que en el fondo no hay más que uno, intentado sin percatarse por quienquiera que haya escrito, incluso los Genios. La explicación órfica de la tierra, que es el único deber del poeta y el juego literario por excelencia: pues el ritmo del libro, entonces impersonal y vivo, hasta en su paginación, se yuxtapone a las ecuaciones de este sueño, u Oda.

He ahí la confesión de mi vicio, puesto al desnudo, querido amigo, he caído mil veces, con el espíritu magullado o hastiado, pero esto me posee y lo conseguiré tal vez; no hacer esta obra en su conjunto (¡haría falta ser no sé quién para ello!) sino  mostrar un fragmento de lo ejecutado, hacer centellear por un sitio la autenticidad gloriosa, indicando el resto entero para el que no basta una vida.

Nada más simple entonces que yo no me haya apresurado a recolectar los mil pedazos conocidos, que me han, de un tiempo a otro, traído la bondad de encantadores y excelentes espíritus, ¡siendo usted el primero! Todo eso no tenía otro valor momentáneo para mí que el de entretener la mano: y cada logro que pudiera ser algunas veces uno de esos trozos; sería justo para ellos si compusieran un álbum, pero no un libro.  Sin embargo es posible que el Editor Vanier me arranque estos fragmentos pero yo no los pegaría en páginas como se hace con una colección con estampados seculares o preciosos. Con esta palabra condenatoria de Álbum, en el título, Álbum de versos y de prosa, no sé; y eso contendría muchas series, podría incluso ir indefinidamente, (a lado de mi trabajo personal que yo creo, será anónimo, el Texto hablando ahí de sí mismo y sin voz de autor.)

Estos versos, estos poemas en prosa, además de las Revistas Literarias, uno puede encontrarlos, o no, en las Publicaciones de Lujo, agotadas, como el Vathek, El cuervo, El Fauno.

Tuve que hacer, en algunos momentos de contrariedad o para comprar algún bote arruinado, trabajos propios y eso es todo (Dioses Antiguos, Palabras inglesas) de los que conviene no hablar: pero aparte de esto, las concesiones a las necesidades como a los placeres no han sido frecuentes.  Si en algún momento, no obstante, desesperanzado por el despótico libro descuidado por Mí mismo, he luego de algunos artículos divulgados por aquí y por allá, intentado redactar por mi cuenta, baños, joyas, mobiliario y hasta teatros y menús de cena, un periódico, La Última Moda, cuyos ocho o diez números aparecidos sirven todavía cuando los desvisto de su polvo para hacerme un largo rato soñar.

En el fondo considero la época contemporánea como un interregno para el poeta, quien no tiene nada en qué involucrarse en él: está demasiado en desuso y en efervescencia preparatoria, para que él tenga otra cosa que hacer sino trabajar con misterio en vista de más tarde o de nunca jamás y de vez en vez enviar a los vivos su carta de presentación, estanza o soneto, para no ser lapidado por ellos, si le sospechan saber que ellos no tienen lugar.

La soledad acompaña necesariamente esta especie de actitud; y, aparte de mi camino de la casa (es 89, ahora, calle de Roma) a los diversos lugares donde he debido el diezmo de mis minutos, liceo Condorcet, Janson de Sailly y finalmente Colegio Rollin, vago poco, prefiriendo a todo, en un departamento protegido por la familia, la estancia entre algunos muebles antiguos y caros, y la hoja de papel a menudo blanca.  Mis grandes amistades han sido las de Villiers, de Mendès y he, diez años, visto todos los días a mi querido Manet, ¡cuya ausencia hoy me parece inverosímil! Sus Poetas Malditos, querido Verlaine, a contrapelo de Huysmans, han interesado a mis Martes un buen tiempo vacantes los jóvenes poetas que nos aman (mallarmistas aparte) y han creído en alguna influencia intentada por mí, ahí donde no hay sino encuentros. Muy afinado, he estado diez años antes del lado donde semejantes espíritus jóvenes debían volver hoy.

He ahí toda mi vida desnuda de anécdotas, al contrario de lo que han machacado por tanto tiempo los grandes periódicos, donde siempre he pasado por un gran extraño: escruto y no veo nada más, los problemas cotidianos, las alegrías, exceptuados los duelos interiores. Algunas apariciones en todas partes donde se monta un ballet, donde se toca el órgano, mis dos pasiones de arte casi contradictorias, pero cuyo sentido estallará y es todo. Olvidé mis fugas, como tuve demasiada fatiga de espíritu, a orilla del Sena y del bosque de Fontainebleau, en el mismo lugar desde hace años: ahí me aparezco diferente, apasionado por la sola navegación fluvial. Honro el río, que deja dilapidar en su agua días enteros sin que uno tenga la impresión de haberlos perdido, ni una sombra de remordimientos.  Simple paseante en yola de caoba, pero velero con furia, muy orgulloso de su flotilla.

Hasta luego, querido amigo. Leerá todo esto, anotado con lápiz para dejar el aire de una de esas buenas conversaciones de amigos a la distancia y sin gritos, lo recorrerá de cabo a rabo con la mirada y encontrará en él, diseminados, los algunos detalles biográficos para escoger que uno necesita tener en alguna parte vistas verídicas. Que me apena saberlo enfermo, y ¡de reumatismos! Sé lo que es eso. No use más que raramente el salicilato, y encuentre a un buen médico, la cuestión de la dosis es muy importante. En una ocasión tuve una fatiga y como una laguna de espíritu, luego de esta droga; y le atribuyo mis insomnios. Pero iré a verlo un día y le diré esto, llevándole un soneto y una página de prosa que voy a confeccionar en estos días, a su intención, alguna cosa que vaya ahí donde usted la ponga. Puede comenzar, sin estos dos bibelots. Hasta luego, querido Verlaine. Su amigo

STÉPHANE MALLARMÉ

El paquete de Villiers está donde el conserje: no hay que decir que lo quiero como a las niñas de mis ojos. Hay ahí de lo que ya no hay: cuanto a los Cuentos Crueles, Vanier se los tendrá, Axël se publica en La Joven Francia y Eva futura en la Vida Moderna.

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Traducción del francés, José Miguel Barajas

 

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