Presentamos una muestra de la poesía del poeta, narrador, editor y traductor Stéphane Chaumet (1971, Dunkerque, Francia). Ha vivido en países de Europa, América Latina, Medio Oriente y Asia. Ha publicado las novelas: Même pour ne pas vaincre (Le Seuil)|Aun para no vencer (Vaso Roto) ; Au bonheur des voiles (Le Seuil)|El Paraíso de los velos, crónicas de Siria (Pre-Textos) ; Les Marionnettes (Le Seuil)|Las Marionetas. Los libros de poesía: Dans la nudité du temps (L’Oreille du Loup)|En la desnudez del tiempo ; Urbaines miniatures (L’Oreille du Loup)|Urbanas miniaturas ; La traversée de l’errance|La travesía de la errancia (La Cabra), Les cimetières engloutis (Al Manar)|Los cementerios engullidos (Ladrones del tiempo) ; Fentes (Al Manar)|Fisuras ; Le hasard et la perte (Al Manar)|El azar y la pérdida (Escarabajo) ; Insomnia (Dernier Télégramme). Y un libro de fotografías L’hôte, l’autre|El huésped. Fotos de Siria antes de la guerra (Uniediciones). Tradujo al francés a varios poetas latinoamericanos y españoles contemporáneos, también a la poeta alemana Hilde Domin y a la persa Forough Farrokhzad.
Del libro Le hasard et la perte (Ed. Al Manar) / El azar y la pérdida
el esplendor de esos dioses se adivina
en la forma tallada por manos humanas
su cara en papilla de piedra
el tiempo también pasa para los dioses
como pasará sobre nuestros ídolos contemporáneos
sobre los profetas ávidos de sangre
la única huella que persiste a nuestro instinto de muerte
es el deseo herido de belleza
la splendeur de ces dieux se devine
dans la forme taillée de mains humaines
leur visage en bouillie de pierre
car le temps aussi passe pour les dieux
comme il passera sur nos idoles contemporaines
sur les prophètes assoiffés de sang
la seule trace qui persiste à notre instinct de mort
est notre désir blessé de beauté
pescadores descubrieron los restos de un barco árabe
desaparecido en el mar de Java a su regreso de China
raro pensar que esa pérdida
que fue un desastre sea para nosotros una suerte
la belleza de esas piezas del imperio Tang
que un incendio o los estragos de la guerra
una catástrofe natural o la lenta ruina del tiempo
hubieran hundido para siempre
para que hoy las veamos tuvo que naufragar este barco
y si alguien se sumergiera por azar en nuestra vida
con qué regresaría del naufragio que nos espera
des pêcheurs ont découvert les restes d’un bateau arabe
disparu en mer de Java à son retour de Chine
étrange de penser que cette perte
qui fut un désastre soit une chance pour nous
la beauté de ces pièces de l’empire Tang
qu’un incendie les ravages de la guerre
une catastrophe naturelle ou la lente ruine du temps
auraient englouti à jamais il a fallu que ce navire échoue
pour qu’aujourd’hui je les regarde
et si quelqu’un plongeait par hasard dans notre vie
avec quoi reviendrait-il du naufrage qui nous attend ?
en ofrenda a los muertos los Chinos queman falsos billetes
para que no les falte nada en el otro mundo
mis primeros poemas en Singapur evocan las huellas perdidas
los lugares dejados los difuntos amores los sueños abandonados
las caras que no se borran pero que no volveremos a ver
y las caras que olvidamos los azares que dejamos escapar
en ofrenda a no sé qué o quién
los quemé
quizá eran falsos poemas
en offrande aux morts les Chinois brûlent de faux billets
pour qu’ils ne manquent de rien dans l’autre monde
mes premiers poèmes à Singapour évoquent les traces
perdues
les lieux quittés les amours défunts les rêves
abandonnés
les visages qui ne s’effacent pas mais qu’on ne reverra plus
et les visages qu’on oublie les hasards qu’on rate
en offrande à je ne sais qui ou quoi
je les ai brûlés
peut-être était-ce de faux poèmes
miro mis zapatos sin pies
y me pregunto si el regreso existe
si abandonar no vuelve más pesado el camino
si donde voy se llama aún ilusión
naufragio o lugar
hay heridas que curan otras heridas
hay pérdidas que enriquecen otras pérdidas
miro mis zapatos sin pies y me digo
mi vida sólo es desorden y confusión
y este hueco que empieza a crecer
¿hay que evitarlo o excavarlo más?
je regarde mes chaussures sans pied
et me demande si le retour existe
si l’abandon n’alourdit pas le chemin
si où je vais s’appelle encore illusion
naufrage ou un lieu
il y a des blessures qui guérissent d’autres blessures
il y a des pertes qui enrichissent d’autres pertes
je regarde mes chaussures sans pied et me dis
ma vie n’est que désordre et confusion
et ce trou qui commence à s’agrandir
faut-il l’éviter ou le creuser davantage ?
el cielo indiferente a lo que se agita debajo
a nuestros días que se desgranan y se diluyen
nuestras vidas obsoletas tan rápido
como el mundo que nos fabricamos
los objetos que inventamos y que estorban
las pequeñas miserias las vanas grandezas
las garantías contra la carencia
la salvaguarda de las memorias la huella de las palabras
lo que creemos ganado sobre el tiempo
lo que creemos curado del abandono
lo que pensamos infalible
un capricho del viento o del fuego
y todo lo que tenía precio para nosotros será barrido
incluso nuestra nada
le ciel indifférent à ce qui s’agite sous lui
à nos jours qui s’égrènent et se diluent
nos vies obsolètes si vite
comme le monde qu’on se fabrique
les objets qu’on invente et qui encombrent
nos petites misères nos vaines grandeurs
nos garantis contre le manque
la sauvegarde des mémoires l’empreinte des mots
ce qu’on croit gagné sur le temps
ce qu’on croit guéri de l’abandon
ce qu’on pense infaillible
un caprice de vent ou du feu
et tout ce qui faisait du prix pour nous sera balayé
et même notre néant
emprendiste el camino
tu familia ignora si estás muerto o vivo
quizá prefieren creer en tu abandono
o que te escondes en la vergüenza y el silencio
nadie aquí sabe quién eres de dónde vienes
a nadie le interesa
han dado a tu cadáver su última huella de humanidad
y gravado con un palo de madera
dos letras en una capa de cemento
N.N.
quizá en medio de la noche una madre o una hermana
te llama
quizá eres de los que después de su muerte
nadie nombrará
tu as pris la route
ta famille ignore si tu es mort ou vivant
peut-être préfèrent-t-ils croire à ton abandon
ou que tu te caches dans la honte et le silence
personne ici ne sait qui tu es d’où tu viens
personne ne s’y intéresse
ils ont donné à ton cadavre sa dernière trace d’humanité
et gravé avec un bout de bois
deux lettres dans une couche de ciment
N.N.
peut-être au cœur de la nuit une mère ou une sœur
t’appelle
peut-être es-tu de ceux qu’après leur mort
personne ne nommera
Del libro Les cimetières engloutis (Ed. Al Manar) / Los cementerios engullidos
Cargamento de niños a quienes se viola el espíritu
carceleros aúllan su miedo a la vida en bocas de una muchedumbre electrizada
kamikazes a quienes se les llena el cráneo de explosivos
almas mendicantes que gimen como goznes oxidados como perros que apedrean en invierno
y aquellos que muestran sus excrementos como golosinas – pero cuando el alma tiene hambre de todo come
y esta metralla de angelismo que se niega a tener enemigos y contabiliza las víctimas
y aquellos que se fusilan en el espejo
y esta parada tiñosa este bullicio de las virtudes que envenena por el bien de los imperios
Salvado quien haya aprendido a nadar
salvado quien tenga la audacia de su voz
salvado quien sepa dónde en él está su guerra
Cargaison d’enfants à qui on viole l’esprit
geôliers hurlant leur peur de la vie dans les bouches d’une foule survoltée
kamikazes à qui on bourre le crâne d’explosifs
âmes mendiantes qui geignent comme des gonds rouillées comme des chiens qu’on caillasse en hiver
et ceux qui présentent leur excrément comme des friandises – mais quand l’âme a faim elle mange de tout
et cette mitraille d’angélisme qui refuse d’avoir des ennemis et comptabilise les victimes
et ceux qui se fusillent dans le miroir
et cette parade teigneuse ce boucan des vertus qui envenime pour le bien des empires
Sauvé celui qui aura appris à nager
sauvé celui qui aura l’audace de sa voix
sauvé qui saura où en lui est sa guerre
los muertos del futuro
José Carlos Becerra
des fleurs mutantes envahissent les sols un ours bascule d’une fenêtre sa patte sur une poupée aux yeux crevés de rouille d’énormes escargots rampent dans un lit traînent des matelas comme des mares viviers à virus sur les toits troués se balancent des singes phosphorescents un hibou sur un poteau veille des cerfs aux ramures d’acier brament dans un hall des sangliers s’amusent à défoncer des hangars des aluines percent l’asphalte les herbes le grignotent comme des vers des lièvres forniquent dans les rues parmi les restes de plastiques batteries câbles ferrites en lent processus de décomposition des chats par centaine font le siège dans une galerie qui fut sans doute marchande des jardins devenus impénétrables sauf aux insectes et rongeurs les voûtes d’un temple se couvrent de chauves-souris et d’araignées plus tenaces que la foi qui l’a bâti des guêpes bourdonnent autour d’un os temporal des œufs d’oiseaux patientent dans une carcasse de péniche des plantes araliacées enserrent les gratte-ciels un loup dresse l’oreille au bord d’un ravin
et la neige cycliquement sur tout ça et la hargne du soleil
et rien ni personne pour pleurer l’absence des hommes
los muertos del futuro
José Carlos Becerra
flores mutantes invaden los suelos un oso vuelca desde una ventana su pata sobre una muñeca con los ojos reventados de orín enormes caracoles se arrastran por una cama colchones tirados como charcas viveros de virus en los techos perforados se mecen monos fosforescentes un búho sobre un poste vela ciervos con enramadas de acero braman en un vestíbulo jabalíes se divierten en desfondar hangares ajenjos perforan el asfalto las hierbas lo roen como gusanos liebres fornican en las calles entre los restos de plásticos baterías cables ferritas en proceso lento de descomposición gatos por centena asedian una galería que fue sin duda comercial jardines vueltos impenetrables menos por los insectos y roedores las bóvedas de un templo se cubren de murciélagos y arañas más tenaces que la fe que lo edificó avispas zumban alrededor de un hueso temporal huevos de aves esperan en un armazón de gabarra plantas araliáceas cercan los rascacielos un lobo yergue la oreja a la orilla de un barranco
y la nieve cíclicamente sobre todo eso y la hosquedad del sol
y nada ni nadie para llorar la ausencia de los hombres
à l’Ève mitochondriale
l’archéologie de la lenteur
le culte de l’instantanéité
le rêve d’abolir l’attente
de glisser sur le grand flux limpide et arborescent à l’infini
nos cartes de trajectoires sur les écrans de contrôle
l’abandon de territoires
autour de villes climatisées de métropoles sans piétons
la récupération de zones
franges urbaines rongeant les côtes
désertées pour des villes flottantes et nomades
où des réfugiés de luxe se font peur
à observer les populations pirates
l’inondation humaine
fleuves d’espoirs paniques
débordant sans boussole les frontières affolant les radars
la déportation climatique
la beauté létale des virus
l’homme enferré dans son progrès technique
ne sachant comment muter
la révolution mentale avortée
la décharge électrique du neurone artificiel
le portrait-robot de nos âmes
les mémoires régies par le droit
et les cimetières transformés en dépotoirs
a la Eva mitocondrial
La arqueología de la lentitud
el culto de lo instantáneo
el sueño de abolir la espera
de deslizarse sobre el gran flujo límpido y arborescente al infinito
nuestros mapas de trayectorias sobre las pantallas de control
el abandono de territorios
alrededor de ciudades climatizadas de metrópolis sin transeúntes
la recuperación de zonas
franjas urbanas mordiendo las costas
desertadas por ciudades flotantes y nómadas
donde refugiados de lujo se dan miedo
observando las poblaciones piratas
la inundación humana
ríos de esperanza en pánico
desbordan sin brújula las fronteras enloquecen los radares
la deportación climática
la belleza mortífera de los virus
el hombre enredado en su progreso técnico
sin saber cómo mutar
la revolución mental abortada
la descarga eléctrica de la neurona artificial
el retrato-robot de nuestras almas
las memorias regidas por el derecho
y los cementerios transformados en vertedero
j’ai bu le vide au goulot
tant ma soif était noire
et je nage
pour échapper aux fourches
pour chercher les failles
pour saper les racines de vieux réflexes mentaux
j’articule ma lenteur défie ma blessure
efface au noir mes traces
et j’ai tant nagé
qu’à la pointe de l’épuisement
là où se fend l’insomnie
là où se tend le nerf caché
où le masque se casse
où l’os brise le verre
où le sang récupère sa source
je rencontre une femme
belle comme une forêt en feu
he bebido el vacío a morro
tan negra era mi sed
y nado
para escapar a las horquillas
para buscar las fallas
para socavar las raíces de viejos reflejos mentales
articulo mi lentitud desafío mi herida
borro con negro mis huellas
y tanto nadé
que en la punta del agotamiento
allí donde se fisura el insomnio
allí donde se tensa el nervio escondido
donde la máscara se rompe
donde el hueso quiebra el vidrio
donde la sangre recupera su fuente
encuentro una mujer
bella como un bosque en llamas