Poesía francesa: Benoît Colboc

Leemos una radiografía de la poesía francesa preparada por Audomaro Hidalgo. Leemos, en su traducción, algunos textos de Benoît Colboc (1982). Vive y trabaja en Paris. Desde 2014 mantiene el blog de literatura «Lundioumardi». Es autor de los poemarios Tremble y Topographie, ambos títulos fueron publicados en 2021 por Editions Isabelle Sauvage, a quienes agradecemos el habernos permitido traducir y publicar los siguientes fragmentos del libro Topographie.

 

 

 

 

Le père

 
Et ton père ?
Il s’est pendu libre à présente.
Libre ?

Oui. Libre de la maladie dépression des mains qui tremblent plus capables de s’emparer. De son œil de verre. Des chutes.
Libre des souvenirs de la pension des attouchements sans jamais les raconter
A sa mère à sa femme ensuite.
Libre de sa femme qui ne le comprenait plus parce que lui voulait s’anéantir pour se libérer.
Libre des peurs de lui des autres de nous des semaines de tout.

Le père s’est pendu et lui qui ne dormait plus depuis des années a retrouvé sommeil. Il a rejoint le grenier avant l’aube pendant que la campagne dormait. Il a enlevé ses chaussons, accroché solidement la corde à une poutre et il est parti à la conquête de son repos.
 

(…)

Je ne le connaissais pas et il avait peur de moi.
Notre enfance avait-elle réellement existé pour lui ?
Je l’ignore.
Il nous réveillait chaque matin à 7h15 pour aller à l’école. Passait successivement dans les chambres.
La sœur
Le frère
La mienne
Chantant haut et fort Debout les gars réveillez-vous il va falloir en mettre un coup.
Cela aurait été insupportable pour qui dormait profondément mais comme j’étais prêt avant qu’il n’entre son clairon résonnait comme l’appel du petit-déjeuner.
Il ne me réveillait pas. 


(…)

Le soir le père rangeait ses tracteurs et fermait la porte de son atelier autour de 19h. Il regagnait la maison. La salle de bains pour se raser sans forcément se laver. A 19h15 les trois enfants mangent dans la cuisine puis grimpent dans leur chambre. 20h le père et la mère dinent à leur tour dans la salle à manger animée par le journal télévisé. Il arrivait qu’on le croise dans les escaliers pendant ce va-et-vient ou qu’il interrompe son repas pour venir séparer le frère et moi en train de se battre. Souvent il donnait raison au premier mais il faut reconnaitre que je le provoquais sans cesse.


(…)

Tout le monde autour du père vantait sa gentillesse et respectait son nom.
C’est important un nom dans la campagne. Ça donne le ton et ça raconte une histoire. Un patrimoine s’évalue à la prononciation duquel on jauge l’estime que l’on a pour une famille. On le nomma à la tête d’une administration agricole pour ces raisons. C’était beaucoup de responsabilités à porter, de choix à faire, d’argent à rentrer, de personnel à licencier. Il fallait un tempérament. Il en était dépourvu.
 

(…)

Respect ne sauve pas.
Très vite ses mains commencèrent à trembler, ses muscles à le raidir, son corps à le dissocier des volontés immédiates. Sans sobriété les examens confirmèrent que Parkinson avait creusé les cellules de cette émotivité dilatée par tous les pores deson passé.
Quelle vie a été la sienne ? Je ne l’ignore plus.
Il aimait la mère. Ne l’avait jamais trompée. Son seul adultère avait été de téléphoner à des femmes seules autour pour se confier. Des femmes veuves ou séparées. Avec lesquelles il souhaitait partager sa solitude.
Sans doute les séduire un peu.
Parler de lui
sa maladie

 

(…)
 
Un coup de canif indolore avec les mauvais gouts de choisir des amies de son épouse qui, gênées, répondaient que la situation était embarrassante.
Un terme approprié pour cet homme décousu, maladroit, fantaisiste à sa manière mais incapable d’atteindre ses envies, aimant les entre-deux, les ambiguïtés, sans affirmation. Soldat de sa seule équivoque. Je ne le supportais pas à l’épreuve de nos ressemblances.
Sa sensibilité en héritage.
Son regard fuyant pareil sur mon visage.
J’ai choisi l’indifférence, sourd à la détresse que nous avions à partager.

A mesure que sa souffrance grandit je m’assèche. Il me le reprocha comme tel
Tu es sec comme un coup de trique.
Mon triomphe amer de l’époque à la rancune déplacée.
 

(…)

 
La nuit surtout.
Les nuits sans sommeil.
Toutes les nuits insomnies des médicaments du jour. Au tri des douleurs. Des souvenirs. De sa dégradation.
 

(…)
 
J’ai fouillé lu les lettres qui ne m’étaient pas adressées.
Après sa mort.
Trop tard.
 

(…)
 
Nous avons été hostiles l’un à l’autre.
Hostilité vorace de ceux qui trimballent une peur sans savoir qu’elle noue concorde.
Lui et moi nos peurs liées
Je
tu
fondus.
Nos démolis.
Je ne suis pas ça.
Il n’est pas moi.
Il est en moi.
Je suis sûr de ça.
Je me trompe.

 

 

 
La mère

 
Ta mère culpabilise ?
Non, je crois qu’elle retrouve indépendance.
Veuve joyeuse !

Avant que le père ne se pende la meilleure amie de la mère s’est pendue également.
Elle aussi le grenier la ferme femme d’agriculteur.
Un débarras pour se débarrasser.
Rejoindre ce dont la maison le présent ne veulent plus.
Décider où et comment finir.
Une balle dans la bouche les secrets derrière.
Les médicaments la douleur dans un murmure.
Une corde nouée autour du cou pour faire monter la pression une derniere fois avant que les sphincters ne lâchent.
Je le sais j’ai ramassé les restes du père sous la corde après que les pompiers emmènent lui dans un sac. Ils avaient tout laissé en place le cadavre en moins, les chaussons au pied de la chaise de la corde de la poutre et la merde à ramasser. Si j’avais voulu il n’y avait plus qu’à recommencer.
Je ne voulais pas.

 

(…)
 
La mère étend son linge là-haut.
Au grenier.
On pensait qu’elle irait le faire sécher ailleurs avant de quitter la maison.
Elle ne quitte pas la maison les habitudes parce que Personne ne viendra me voir si je vais en ville.
Elle pense juste.
Personne ne viendrait.
Ici on se reçoit à déjeuner le dimanche après la messe. On passe les uns chez les autres. On ne va pas voir veuve qui abandonne sa maison pour un appartement en ville.
On oublie la femme seule qui quitte les habitudes de sa maison où son mari s’est pendu là-haut.
La ferme
de toute la vie.

 
(…)
 
Beaucoup oublient que la mère a trouvé son mari au bout de la corde en le cherchant après avoir avalé son lait et fait trempette avec ses tartines à elle.
La mère n’écoute pas ceux qui oublient.
Elle ne ramasse plus la confiture étalée par terre. Elle a changé le matelas et continue de monter au grenier étendre son linge dans la maison que l’on ne doit pas quitter.
 
(…)
 
La mère entrait en veuvage comme on entre en formation: avec application. La parole abattue mais les yeux rivés sur les comptes. L’argent manquerait-il ? Obtenir la pension de réversion. Voilà un combat à mener de front pour ne pas pleurer. Pas pleurer. Avoir de l’argent, ne pas le dépenser, se sentir en sécurité au chaud des comptes en banque. Une année de formalités pour clore la succession. Sans dommages ni désaccords.
 

(…)
 
Elle, ignore le silence d’une pièce infinie d’une nuit sans sommeil vapeur du souvenir d’un cœur mort.
Elle accepta cette peur inédite et accueillit son véritable deuil de femme seule.
En pleurant
seule.
Des volets à toutes les fenêtres. Porte blindée serrure trois points.
Ne plus sortir après 17h30 volets fermés porte d’entrée verrouillée.
 
(…)
 
Penser à rentrer suffisamment de bois avant que la nuit tombe.

 

 

 

 

El padre

 
 
¿Y tu padre?
Se ahorcó libre de culpa ahora.
¿Libre?

 
Sí. Libre de la enfermedad depresión de las manos que tiemblan incapaces de agarrarse. De su ojo de cristal. De las caídas.
Libre de los recuerdos de la pensión de los manoseos sin contárselo nunca a su madre enseguida a su mujer.
Libre de su mujer que ya no lo comprendía porque quería destruirse para liberarse.
Libre de los miedos de él de los otros de nosotros de las semanas de todo.

 
El padre se ahorcó y él, que no dormía después de años, volvió a encontrar el sueño. Entró al granero antes del alba, cuando el campo dormía. Se quitó los zapatos, sujetó fuerte la cuerda a una viga y se fue a la conquista de su reposo.
 

(…)

No lo conocía y él tenía miedo de mí.
¿Existió realmente nuestra infancia para él?
Lo ignoro.
Nos despertaba cada mañana a las 7:15 para ir a la escuela. Pasaba sucesivamente por las habitaciones.
La hermana
el hermano
la mía
cantando alto y claro De pie chicos Vamos a tener que golpearlos.
Eso hubiera sido insoportable para quien dormía profundamente, pero como yo estaba listo antes que él entrara, su corneta sonaba como la llamada a desayunar.
Él no me despertaba.
 
(…)

Por la noche el padre guardaba sus tractores y cerraba la puerta de su taller alrededor de las 19:00. Volvía a casa. Se afeitaba sin necesariamente bañarse. A las 19:15 los niños comían en la cocina, luego subían a su habitación. A las 20:00 el padre y la madre cenaban en el comedor animado por el noticiero. Sucedía que nos cruzáramos con él en las escaleras durante ese ir y venir; o que él interrumpiera su comida para venir a separarnos a mi hermano y a mí peleándonos. A menudo le daba la razón al primero, pero hay que reconocer que yo lo provocaba sin cesar.

(…)

Todo el mundo alrededor del padre alababa su amabilidad y respetaba su nombre.
En el campo un nombre es importante. Da el tono y cuenta una historia. Un patrimonio se valora, en cuya pronunciación se juzga la estima que se tiene por una familia. Por estas razones, fue nombre jefe de una administración agrícola. Era mucha responsabilidad, elecciones que hacer, dinero que ingresar, personal que despedir. Se necesitaba un temperamento. Él estaba desprovisto.
 

(…)

Respeto no salva.
Pronto sus manos comenzaron a temblar, sus músculos a atrofiarlo, su cuerpo a disociarlo de las voluntades inmediatas. Sin sobriedad los estudios confirmaron que Parkinson había cavado las células de esa emotividad dilatada por todos los poros de su pasado.
¿Qué vida fue la suya? Ya no lo ignoro.
Amaba a madre. Nunca la había engañado. Su único adulterio fue telefonear a mujeres solas alrededor para confesarse. Viudas o separadas. Con las cuales deseaba compartir su soledad.
Sin duda seducirlas un poco.
Hablar de él,
de su enfermedad.


(…)

Un navajazo indoloro con los malos gustos de elegir a las amigas de su esposa que, avergonzadas, respondían que la situación era embarazosa. Un término apropiado para ese hombre descosido, torpe, fantasioso a su manera pero incapaz de alcanzar sus deseos, amando los intermedios, las ambigüedades, sin afirmación. Soldado de su único equívoco. Yo no soportaba la prueba de nuestras semejanzas.
Su sensibilidad heredada.
Su mirada huyendo en mi rostro.
Elegí la indiferencia, sordo a la angustia que teníamos que compartir.
A medida que su sufrimiento creció me sequé. Me lo reprochó como tal.
Eres duro como una erección.
Mi triunfo amargo de la época del rencor inapropiado.
 

(…)

Sobre todo la noche.
Las noches sin dormir.
Todas las noches: insomnios de los medicamentos del día. Clasificación de los dolores. De los recuerdos. De su degradación.
 

(…)

Revisé y leí las cartas que no estaban destinadas para mí.
Después de su muerte.
Demasiado tarde.
 

(…)

Fuimos hostiles uno al otro.
Hostilidad voraz de los que sienten un miedo sin saber que eso los une. Él y yo, nuestros miedos conectados.
Yo

fundidos.
Nuestras demoliciones.
No soy eso.
Él no soy yo.
Está dentro de mí.
Estoy seguro.
Me equivoco.

 

 

 

 

La madre

 
¿Tu madre siente culpa?
No, creo que recupera su independencia.
¡Viuda feliz!

Antes de que padre se ahorcara, la mejor amiga de madre también se ahorcó.
Ella también: el granero, la granja, mujer de agricultor.
Un depósito del cual deshacerse.
Reunirse a lo que la casa, el presente, ya no quieren.
Decidir dónde y cómo terminar.
Una bala en la boca, los secretos detrás.
Los medicamentos, el dolor en un murmullo.
Una cuerda atada alrededor del cuello para hacer subir la presión por última vez antes de que los esfínteres fallen.

Lo sé, recogí los restos de padre bajo la cuerda después de que los bomberos se lo llevaran en una bolsa. Habían dejado todo en su lugar, menos el cadáver, los zapatos al pie de la silla, de la cuerda, de la viga y la mierda que recoger. Si hubiera querido habría recomenzado.
No quería.

 
(…)

Madre tiende su ropa allá arriba.
En el granero.
Pensábamos que iba a secarla en otra parte antes de abandonar la casa. No abandona la casa ni los hábitos porque Nadie vendrá a verme si me mudo a la ciudad.
Sólo piensa.
Nadie vendría.
Aquí nos reunimos a almorzar los domingos después de la misa. Pasamos unos a casa de los otros. No se ha visto una viuda que abandone su casa por un departamento en la ciudad.
Olvidamos a la mujer sola que deja los hábitos de su casa donde su marido se ahorcó allá arriba.
La granja
de toda la vida
y en la noche las habitaciones que no hay que abandonar, ahí donde el padre por última vez pudo abandonarse.
 

(…)

Muchos olvidan que la madre encontró a su marido colgado buscándolo después de haber bebido su leche y mojado en ella sus galletas.
La madre no escucha a los que olvidan.
Ya no limpia la mermelada esparcida en el suelo. Cambió el colchón y continúa subiendo al granero a tender su ropa en la casa que no debemos abandonar.
 

(…)

La madre entró a la viudez como se entra a un entrenamiento: con aplicación. La palabra abatida pero los ojos puestos en las cuentas. ¿Faltaría el dinero? Obtener la pensión de viudedad. He ahí un combate que afrontar para no llorar. Para no llorar. Ahorrar dinero, no gastarlo, sentirse en seguridad al calor de las cuentas bancarias. Un año de formalidades para cerrar la sucesión. Sin daños ni desacuerdos.
 

(…)

Ella ignora el silencio de una habitación infinita, de una noche sin dormir, vapor del recuerdo de un corazón muerto.
Aceptó ese miedo inédito y acogió su verdadero duelo de mujer sola.
Llorando
sola.
Persianas en todas las ventanas. Puerta blindada, cerradura a tres llaves. No salir después de las 17:30. Persianas y puerta de entrada cerradas.
 
(…)

Pensar en volver a casa con suficiente leña antes de que caiga la noche.

 

 

 

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