Poesía francesa: Laura Vazquez

Audomaro Hidalgo construye en Círculo de Poesía  un panorama de la poesía francesa actual. Traduce ahora algunos textos de Laura Vazquez (Perpignan, 1986). Vive en Marsella, donde se consagra a la escritura. Es residente de la Villa Médicis, en Roma, para el año 2022-2023. Ha publicado libros en editoriales como Sous-sol, Cheyne, Points; y en las revistas If, Nioques, Espace(s), La mer gelée, Littérature, Sabir, AOC). Sus poemas han sido traducidos al chino, inglés, portugués, noruego, neerlandés, alemán, italiano y árabe. También ha publicado en periódicos y revistas como Le monde, Libération, L’obs, L’humanité y Diacritik. En 2014 recibió el Prix de la Vocation por su primer libro, La main de la main (Cheyne éditeur). Su primera novela, La Semaine perpétuelle, obtuvo mención especial en el Premio Wepler 2021.

 

 

 

 

Comment s’éloigner de soi-même Parler pour les absents
Poème en 62 lignes

 

Un squelette est une absence de personne
l’absence est maigre pas silencieuse elle parles
si haut elle parle dans la hauteur on ne l’entend pas
ses ongles sont si longs ils ne touchent rien
ils vont dans les ossatures dans les objets l’absence
ne participe à rien mais elle sourit participe
à tout mais elle ne sourit pas
millions de têtes blanches éclairées
par des rectangles
une chose comme affamée ongles craquelés
jaunes
presque mauves au final
on entendrait tomber un poil

 
la chaleur passe du corps aux draps
l’air fatigue il donne soif ou faim
on entendrait tomber un fil

 
le monde allonge ses racines et rentre
dans le cerveau où qu’on se trouve je pourrais dire
à la personne absente tu clignotes dans mon esprit
le premier absent le deuxième absent le troisième
absent invente une langue pour son frigo
ils parlent ils se répondent le quatrième absent découpe
son tapis le cinquième nomme ses doigts le sixième
absent dépense son regard dans une direction
le septième absent le huitième absent répète
son nom dans un couloir le neuvième absent
se souvient de l’odeur le dixième absent le onzième
absent le douzième absent le treizième
regrette un geste ancien une vieille parole
on entendrait tomber un cil

 
j’ai rêvé d’un animal qui me parlait
dans une langue d’animal il nous disait :
ne vous inquiétez pas mais ses yeux s’enfonçaient
à la fin l’animal n’existait
plus ils coulait comme un jus dans la terre sa voix
coulait dans la brisure

 
on se tourne on ne voit personne
personne est maigre presque chauve personne
ne se présente pas
il n’a pas de prénom personne atteint
toutes les douleurs
il fait des nœuds quand on se calme personne
a tout créé comme si tout naissait de l’absence
comme si tout venait les plantes les bébés
les mamelles des vaches l’absence entoure les choses
les borde elle les aime elle touche nos cheveux
quand nous sommes endormis c’est la vérité
l’absence transporte la lumière jusqu’à nous
des marches silencieuses un insecte des cercles
en or toutes ces choses que nous connaissons sont
capables de disparaître si nous mourons aujourd’hui
le monde disparaît comme un ordinateur qu’on ferme tout
est capable de disparaître les montagnes une par
une toutes à la fois les personnes surtout
une grande main nous touche peut-être
le ciel dure des heures la vie se baisse
le chirurgien se lave les mains avec un produit
rouge il dit : je ne sais pas de quoi se compose
ce produit j’aime croire que c’est une pierre pressée
une pierre rouge pressée pour se laver les mains
un tas de terre calme

 

 

 

 

Como alejarse de sí mismo Hablar por los ausentes
Poema en 62 líneas

 
Un esqueleto es una ausencia de alguien
la ausencia es delgada no silenciosa habla
tan alto habla en la altura no se le oye
sus uñas son tan largas no tocan nada
van hacia las osaturas los objetos la ausencia
no participa en nada pero sonríe participa
en todo pero no sonríe
millones de cabezas blancas iluminadas
por rectángulos
algo hambriento como uñas agrietadas
amarillas
casi moradas en la punta
se oiría la caída de un pelo

 

el calor pasa del cuerpo a las sábanas
el aire cansa provoca sed o hambre
se oiría la caída de un hilo

 
el mundo extiende sus raíces y entra
en el cerebro donde quiera que uno se encuentre
yo podría decirle a la persona ausente: tú parpadeas en mi espíritu

 
el primer ausente y el segundo y el tercero
inventan una lengua para su heladera
hablan se responden el cuarto ausente corta su alfombra
el quinto nombra sus dedos el sexto
derrocha su mirada en una dirección
el séptimo el octavo repite su nombre en un pasillo
el noveno recuerda el olor el décimo el onceavo
el doceavo el treceavo lamenta un gesto antiguo una vieja palabra
se escucharía la caída de una pestaña

 
soñé con un animal que me hablaba
en una lengua de animal nos decía:
no se preocupen pero sus ojos se hundían
al final el animal no existía
luego fluía como un jugo en la tierra
su voz fluía en la brisa

 
nos volvemos y no vemos a nadie
nadie es flaco casi calvo nadie
no se presenta
no tiene nombre nadie alcanza
todos los dolores
hace nudo cuando nos calmamos nadie
creó todo como si todo naciera de la ausencia
las plantas los bebes la ubre de las vacas
la ausencia envuelve las cosas
las bordea las quiere toca nuestros cabellos
cuando estamos dormidos es cierto
la ausencia transporta la luz hasta nosotros
marchas silenciosas un insecto círculos de oro
todas esas cosas que conocemos son capaces
de desaparecer si morimos hoy
el mundo desaparece se derrite sin derretirse
desaparece como un ordenador que cerramos
todo es capaz de desaparecer las montañas
una por una todas a la vez sobre todo las personas
quizá una gran mano nos toca
el cielo dura horas la vida disminuye
el cirujano se lava las manos con un producto rojo
dice: no sé de qué está hecho este producto
me gusta pensar que es de una piedra exprimida
una piedra roja exprimida para lavarse las manos
un montón de tierra blanda

 

 

 

 

Comment la mort fabrique un mort et son image
Poème en 43 lignes

 
Un nombre de morts est un nombre
rempli de créatures un matin à l’annonce
on pense aux cimetières sous le soleil
aux personnes qui versent de petites gouttes
sur des lèvres craquelées aux nettoyeurs des morts
la terre respire entre les morts la terre est longue
un mort salue la terre de son épaule morte
des larves des vers comme un bon vêtement
tasser la terre rentrer dans l’obscurité
comme une fine poudre sur le corps des vivants
est-ce que les oreilles des sourds s’ouvrent
dans le cercueil
la lumière est transférée
on ne voit jamais la lumière on voit
ce qu’elle éclaire on ne voit pas ce qui nous fait voir
la lumière a peut-etre compris le sang
n’est qu’une flaque à l’intérieur des morts
les cadavres s’évaporent dans la lenteur le calme
puis les fantômes vont se cacher dans les briques
le ciment les esprits de ceux celles qui vivent
je voulais tenir ton visage sur un seul doigt
l’étage des morts par-dessus nos pensées à chaque
fois qu’une personne meurt une autre ne meurt pas
les estomacs des morts comme des bourses
blanchissent je ne pense à rien dans un espace
entre les secondes
une salive une dent un croc ramasse les os
des petites créatures je distribue des molécules
au hasard par ma bouche j’imagine des asticots plus
longs que moi la main ne possède rien
une famille d’insectes
on enterre le mort avec trois mille
deux cents pelles
les insectes adultes montrent aux jeunes
la manière correcte
de manger le mort
un morceau de gravier coincé dans l’ongle
l’aile d’insecte
au froid
entourés d’un gel
les morts n’ont plus de mémoire chaque cadavre
ressemble à un cadavre chaque cadavre
imite un cadavre

 

 

 

 

Cómo la muerte fabrica un muerto y su imagen
Poema en 43 líneas

 
Un número de muertos es un número
lleno de criaturas una mañana en el anuncio
pensamos en los cementerios bajo el sol
en las personas que vierten pequeñas gotas
en los labios agrietados en los limpiadores de los muertos
la tierra respira entre los muertos y es larga
un muerto saluda a la tierra con su espalda muerta
larvas y gusanos como un hermoso vestido
compactar la tierra entrar en la oscuridad
como un polvo fino en el cuerpo de los vivos
¿los sordos escuchan en el ataúd?
la luz se transfiere nunca la vemos
vemos lo que ilumina quizá
la luz comprendió que la sangre
no es sino un charco dentro de los muertos
los cadáveres se evaporan en la lentitud la calma
luego los fantasmas se esconden entre las grietas el cemento
en los espíritus de los que viven
quisiera sostener tu rostro con un solo dedo
el piso de los muertos sobre nuestros pensamientos
cada vez que una persona muere otra no muere
el estómago de los muertos blanquea como bolsas
en un espacio entre los segundos no pienso en nada
saliva un diente un colmillo recoge los huesos
de pequeñas criaturas yo distribuyo moléculas
al azar por mi boca imagino gusanos más largos
que yo la mano no posee nada
una familia de insectos
se entierra al muerto con tres mil
doscientas paletadas de tierra
los insectos adultos muestran a los jóvenes
la manera correcta
de comer un muerto
un pedazo de grava atrapado en la uña
el ala de un insecto
congelados
los muertos ya no tienen memoria cada cadáver
se parece a un cadáver cada cadáver
imita un cadáver

 

 

 

 

Neuf

 
elle a pris un marteau et elle a tout cassé
c’était quelque chose de religieux

 
tous les êtres terrestres veulent mourir
sur les genoux de leur mère

 
à ta naissance on ne t’a pas coupé le cordon
on ne t’a pas lavé dans l’eau
on t’a toujours menti

 
dans certaines cultures on n’ensevelit pas les morts
dans la ville on les brûle au loin
parfois la douleur touche au vol

 

 

 

 

Nueve

 
ella tomó un martillo y rompió todo
era algo religioso

todos los seres terrestres desean morir
en las rodillas de su madre

cuando naciste no te cortamos el cordón
no te lavamos en el agua
siempre te hemos mentido

en algunas culturas no se entierra a los muertos
en la ciudad los queman lejos
a veces el dolor toca el vuelo

 

 

 

 

 
Le surnaturel
Un jour
Intervient
Il entre
Par la narine

 
On regarde
Partout
Chaque fois
Il pénètre
Il apparaît dans un rêve

 
Le surnaturel prolonge
Entre les briques
Tous les jours
Il vit quelque part
Il dispose les personnes
En colonne
Dans quelle direction ?

 
Le surnaturel sait parler
Il dira je caresse
Je connais les endroits
Je caresse les endroits
Le surnaturel ranime
Il passe par l’électricité
Il monte par les plantes

 
Tout ce que tu as dit
Le surnaturel enroule
Ce qui est sorti par ta gorge
Il garde
N’importe où

 
J’étais là quand le monde est né
Dit le surnaturel
Le surnaturel nous apporte un message
La vie a commencé vite
Pour le surnaturel
Quand le temps n’existait pas
Dit le surnaturel
La vie s’est précipitée

 
Le surnaturel rappelle
Tu passes ta main droite
Sur ton visage
Quand le surnaturel te parle
Ta main droite n’existe pas
La main droite passe sur le front
Elle attrape quoi ?

 

 

 

 

Un día
Lo sobrenatural
Interviene
Entra
Por la nariz

 
Miramos
Hacia todos lados
Cada vez
Penetra
Aparece en un sueño

 
Entre ladrillos
Lo sobrenatural prolonga
Todos los días
Vive en alguna parte
Dispone a las personas
En columnas
¿En qué dirección?

 
Lo sobrenatural sabe hablar
Dice: acaricio
Conozco y acaricio los lugares
Lo sobrenatural reanima
Pasa por la electricidad
Sube por las plantas

 
Todo lo que dijiste
Lo que salió de tu garganta
Lo sobrenatural lo envuelve
Lo guarda en cualquier lado

 
Estuve ahí cuando nació el mundo
Dice lo sobrenatural
Lo sobrenatural nos trae un mensaje
La vida comenzó rápido
Por lo sobrenatural
Cuando el tiempo no existía
Dice lo sobrenatural
La vida se precipitó

 
Lo sobrenatural recuerda
Tú pasas tu mano derecha
Por tu rostro
Cuando lo sobrenatural te habla
Tu mano derecha no existe
La mano derecha pasa por tu frente
¿Qué retiene?

 

 

 

Cerveau

 

On finit toujours par croire
qu’on a compris quelque chose
on finit toujours par croire
qu’on vient de comprendre quelque chose
on a l’impression d’avoir compris quelque chose

 
on a compris quoi
le panneau dit de tourner
on est appuyé sur quoi
un jour on n’appuie sur rien
on tombe
avant je grandissais
on pense que la mémoire est dans le cerveau
un jour
on voit la mémoire dans les gestes

 
un jour j’étais
le bébé

 
en train de tomber

 

 

 

 

Cerebro

 
siempre terminamos por creer
que hemos comprendido algo
siempre terminamos por creer
que acabamos de comprender algo
tenemos la impresión de haber comprendido algo

 
¿qué hemos comprendido?

 
el letrero dice dar vuelta

 
¿en qué nos apoyamos?

 
un día no nos apoyamos en nada
un día caemos

 
antes yo crecía

 
pensamos que la memoria está en el cerebro
un día
vemos la memoria en los gestos

 
un día yo fui
el bebé
            cayendo

 

 

 

La forme de ma forêt

 
Le premier matin de ma vie,
la guêpe est venue dans ma bouche.

 
Alors,
j’ai senti les peaux
se tordre sur mon ventre.

 
J’ai senti ma figure
se fixer à mes yeux,
se coller à ma langue,
s’accrocher à mes dents.

 
Alors,
j’ai senti les cheveux
s’attacher sur mon crâne,
j’ai couvert, recouvert, la forma
de moi-même.

 
Alors,
j’ai senti les buissons
dans mon ventre,
les renards dans mes seins,
les pieuvres dans mon cou,
les orties,
les graviers.

 
J’ai senti le volcan.

 
Alors,
j’ai senti les épines
et les ronces.

 
J’ai senti la forêt.

 
Les prairies de mon ventre.
Alors,
je me suis assise
et la nuit est venue sur moi.
Et la nuit m’est venue de face.
Et la nuit m’a cassé les yeux.

 
Alors,
je me suis couchée
et la nuit n’a rien voulu dire.

 

 

 

La forma de mi bosque

 
La primera mañana de mi vida
la avispa vino a mi boca.

 
Entonces sentí las pieles
retorcerse en mi estómago.

 
Sentí mi rostro
establecerse en mis ojos,
pegarse a mi lengua,
aferrarse a mis dientes.

 
Sentí los cabellos
amarrarse a mi cráneo;
entonces cubrí y recubrí la forma
de mí misma.
Entonces
sentí los arbustos en mi vientre,
zorros en mis pechos,
pulpos en mi cuello,
ortigas y gravilla.

 
Sentí el volcán.

 
Sentí entonces
las espinas y las zarzas.

 
Sentí el bosque.

 
Las praderas de mi vientre.

 
Entonces me senté
y la noche vino sobre mí
y me cayó de frente
y me rompió los ojos.
Entonces me acosté
y la noche no quiso decir nada.

 

 

 

 

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