Presentamos, en versión de Camilo Rodríguez, dos sonetos de Paul Verlaine, poeta francés de suma importancia en la poesía de Occidente. Los dos poemas son Mon rêve familier, séptimo soneto de la primera sección (Melancholia) de los Poèmes Saturniens, publicados en 1866. En seguida, Vendanges, undécimo soneto de Jadis et Naguère, poemario aparecido en 1884.
Mi sueño familiar
A menudo tengo este sueño extraño y penetrante
De una mujer desconocida y que amo, y me ama,
Y que no es, cada vez, ni enteramente la misma
Ni enteramente otra, y me ama y me entiende.
Pues ella me entiende, y mi corazón transparente
Para ella sola, desgraciadamente, cesa de ser un problema
Para ella sola, y los motores de mi frente enferma,
Ella sola los sabe refrescar, al llorar.
¿Es ella bruna, rubia o pelirroja? Lo ignoro.
¿Su nombre? Recuerdo que es dulce y sonoro,
Como esos de los amados que la vida exilió.
Su mirar es igual al mirar de las estatuas,
Y por su voz, lejana y calma, y grave, ella tiene
La inflexión de las voces queridas que han callado.
Vendimias
Las cosas que cantan en la cabeza
Mientras que la memoria se ausenta,
Escucha, es nuestra sangre que canta…
¡Oh música lejana y discreta!
¡Escucha! Es nuestra sangre que llora
Mientras que nuestra alma escapó,
De una voz hasta entonces inaudita
Y que va a callarse ahora.
Hermano de sangre de la viña rosa,
Hermano de vino de la vena negra,
¡Oh vino! ¡Oh sangre, es la apoteosis!
¡Canta, Llora! Persigue la memoria
Y persigue el alma, y hasta las tinieblas
Magnetiza nuestras pobres vértebras.
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? — Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
Vendanges
Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Ecoutez, c’est notre sang qui chante…
O musique lointaine et discrète !
Ecoutez ! c’est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s’est enfuie,
D’une voix jusqu’alors inouïe
Et qui va se taire tout à l’heure.
Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c’est l’apothéose !
Chantez, pleurez ! Chassez la mémoire
Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres.