Un poema de Frédérique Cosnier

Presentamos, en versión de Carmen Medina Puerta, un texto de la poeta y narradora francesa Frédérique Cosnier. Suele trabajar sus performance con el dúo electro “Li”. Ha publicado poesía en revistas como Remue, Des payasees, Ce qui Secret, Poïeo, Dissonances, etc. Su poesía fue incluida en la Anthologie écrite et sonore de poésie contemporice, editada por la Maison de la poésie de Nantes. La mayor parte de su obra apareció en línea. Publicó el poemario PP Poèmes Précis y este 2016, bajo el sello de La Clé à Molette, verá la luz la novela Suzanne et l’influence.

 

 

 

Un vague poisson arqué: Un vago pez arqueado

 

 

Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
Te souviens-tu
Vagues poissons arqués fleurs submarines
Une nuit c’était la mer
Et les fleuves s’y répandaient

Apollinaire, Alcools, 1913

 

 

Tú mirabas descender un tropel de nubes
Con el navío huérfano hacia las fiebres futuras
Y de todas estas añoranzas, de todos estos arrepentimientos
¿Te acuerdas?
Vagos peces arqueados flores submarinas
Una noche era el mar
Y los ríos aquí se derramaban

Apollinaire, Alcoholes, 1913

 

 

 

Un jour j’ai aimé un poète mort. Un jour, ça a duré des mois. Ses vers étaient des lettres rien qu’à moi adressées. Il fallait voir son beau visage sur les sépias du musée où il posait avec son frère. Je fabriquais de faux billets d’entrée pour revoir son portrait tous les jours. C’était un musée avec vue sur la baie. J’ai tout vu tout visité et avalé chaque rime. Chaque minute chaque seconde nous fut épistolaire et ce fut un trésor de Très Riches Heures non partagées.

 

 

Una vez amé a un poeta muerto. Una vez, duró meses. Sus versos eran cartas dirigidas únicamente a mí. Había que ver su hermoso rostro en sepia del museo donde él posaba con su hermano. Yo fabricaba entradas falsas para ir a verlo cada día. Era un museo con vistas a la bahía. Lo he visto todo, lo he visitado todo y he devorado cada rima. A cada minuto a cada segundo intercambiábamos correspondencia y eso fue un tesoro de muy gratas horas no compartidas.

 

 

Mon cher Guillaume, j’espère que tu ne rentreras pas trop tard ce soir, je t’ai préparé le souper divin que tu aimes. Des calmars congelés directement à leur sortie des mers, sur le port. J’ai rompu la chaîne du froid je l’avoue. Je l’avoue et ne dis pas que ça t’étonne. Je sais que ma violence t’est familière. C’est celle de l’époque que veux-tu. Tu sais bien comme en art on éponge.

 

 

Mi querido Guillaume, espero que no vuelvas demasiado tarde a casa esta noche, te he preparado para la cena lo que más te gusta. Calamares congelados directamente tras su pesca, en el puerto. He roto la cadena de frío lo admito. Lo admito y no digas que te sorprende. Yo sé que mi violencia te es familiar. Es la de la época, ¿qué quieres? Tú sabes bien que en el arte todo se absorbe.

 

 

À chaque minute, je te harponne, souffle des flèches lancées au vent. Qu’elles te ramènent auprès de moi plus vite, car j’ai dû te faire peur hier soir en te lisant, les yeux fermés.

Tu écris à l’encre. Tu écris à l’encre, c’est un charme. C’est d’un classique extravagant. Ça me touche beaucoup c’est physique et coloré dans le corps de tes lignes.

 

 

Acada momento, yo te retengo, exhalo flechas lanzadas al viento. Para que ellas te traigan de vuelta junto a mí más rápido, porque ayer debí asustarte leyéndote, los ojos cerrados.

Tu escribes con tinta. Escribes con tinta, qué encanto. Es de un clásico extravagante. Me conmueve mucho es físico y colorido en el cuerpo de tus líneas.

 

 

J’ai vu des manuscrits j’ai happé Gallica et tous les ressorts de Google dans mes recherches nocturnes. Les pixels ne servent pas toujours la chaleur des surfaces mais à force de lécher l’écran j’ai coulé bien à pic dans tes calligraphies.

Si tu veux qu’on s’entende, je n’aurai qu’une requête à faire. Ne m’appelle pas ta petite Lou. Ne tente pas de me séduire dans ce wagon qui te ramène en garnison, je sais bien que je ne serai jamais ta dernière, et qu’importe. Juste une amour sur le bas-côté de la route mais ça ne me gêne pas de jouer la cavalière à l’eau chevauchant son Seahorse à presque un siècle d’intervalle.

 

 

He visto manuscritos he atrapado Gallica y todos los mecanismos de Google en mis investigaciones nocturnas. Los pixeles no sirven muestran siempre el calor de las superficies pero a fuerza de mirar insistentemente la pantalla me he sumergido en tus caligrafías.

Si quieres que nos entendamos, no tengo más que una petición que hacerte. No me llames tu pequeña Lou. No trates de seducirme en este vagón que te lleva como guarnición militar, yo sé bien que no seré nunca la última y qué más da. Sólo un amor en el arcén de la carretera, pero no me molesta jugar a ser una jinete del agua cabalgando su Seahorse casi un siglo después/ con un siglo de diferencia.

 

 

Vois comme c’est beau je t’aime à travers siècles. Cours sur la plage et guette chaque étage du bateau et peut-être que c’est toi là-bas, en haut du phare, avec ton mouchoir qui s’agite. Tu me fais signe. A travers siècles car tu sais comme ma mémoire est aussi bien élastique que trouée. Ma mémoire allumée aux quatre coins, des rues des carrefours et aussi des années. Ne faisons pas dans le détail chacun sait bien que sa douleur remonte aux confins des naissances. Les morts nous pressent de vivre, alors pas de regrets. Vite vite donne-moi ces rondeurs de tes joues, et que ça brûle au ventre!

 

 

Mira qué bello es que te ame a través de los siglos. Corro en la playa y vigilo cada planta del barco y puede ser que tu estés allí, en lo alto del faro, con tu pañuelo agitándose. Me haces señales. A través de los siglos porque sabes que mi memoria es tan elástica como permeable. Mi memoria encendida por los cuatro costados, de calles, cruces y también de años. No hace falta dar detalles cada uno sabe bien que su dolor se remonta a los confines de su nacimiento. Los muertos nos apremian a vivir, entonces nada de remordimientos. Rápido, rápido dame la redondez de tus mejillas y que me abrase el vientre.

 

 

Je t’ai rencontré Rue Christine. Dans le petit café où tu affistoles des vers simultanés. Ou dans la petite auto de Rouveyre. C’était ton vieil ami et il ressemble tant à l’oncle Paul, tu sais. L’amour c’est de famille mon ange et parfois, c’est compliqué.

 

 

Te he encontrado en la Rue Christine. En el pequeño café donde remiendas versos simultáneos. O en el cochecito de Rouveyre. Era tu viejo amigo y se parece tanto al tío Paul, ¿sabes? El amor es de familia mi ángel y a veces, es complicado.

 

 

Je t’ai suivi au front 14. Quel enthousiasme. Un beau patriotisme d’époque. Ça me chiffonne un peu sur les bords, c’est bizarre, d’avoir si ardemment désiré d’aller tuer tous ces hommes. Mais les joies du contexte nous jouent des tours. Et il faut savoir prendprenprendre nos
prendre nos amours sans chichis, avec les nuances de l’époque. Tu parlais si follement de la guerre et de ces lignes en feu, jusqu’aux tiennes vers l’arrière, où tu tirais des pages et des pages sous les flammes ennemies, tu t’en foutais. Même de prendre ce tout petit coup d’éclat dans ton casque, ô ta tête au soleil cou coupé.

 

 

Te he seguido al frente 14. Qué entusiasmo. Un bello patriotismo de época. Eso me desborda/ abruma un poco, es raro, haber deseado tan ardientemente ir a matar a todos esos hombres. Pero las alegrías del contexto nos juegan una mala pasada. Y también hay que saber amar sin melindres, aceptando los matices de la época. Tú hablabas locamente de la guerra y de estas líneas de fuego, hasta los tuyos en la retaguardia, donde tú disparabas páginas y páginas bajo el fuego enemigo, no te importaba nada. Incluso de recibir ese golpe de efecto en tu casco, oh tu cabeza al sol de cuello corto.

 

 

Ne rentre pas trop tard mon ange, je ne peux plus supporter de t’attendre, à tricoter bien sage près de la cheminée, des gants des écharpes, des recueils en mohair. Je me lève avant l’aube, j’arpente la digue industrielle. J’envoie des flèches surannées. Ça sent son Cupidon partout déchaîné dans le ciel, sous les nuanciers des violets. Comme j’aimerais cette année que la grippe espagnole épargne nos secrets. Qu’elle t’abandonne à moi, vivant, désarmé à mes pieds, vague poisson arqué, oiseau langoureux et toujours irrité.

 

 

No vuelvas muy tarde mi ángel, no puedo soportar esperarte, tejiendo prudentemente cerca de la chimenea, guantes bufandas, antologías de lana. Me levanto antes del alba, recorro con largos pasos el dique industrial. Envío flechas a otra época. Se siente su Cupido por todos lados desencadenado en el cielo, bajo el repertorio de violetas. Como me gustaría que este año la gripe española protegiera nuestros secretos. Que te abandone a mí, vivo, desarmado a mis pies, vago pez arqueado, pájaro lánguido y siempre irritado.

 

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