Audomaro Hidalgo construye una radiografía de la poesía francesa contemporánea. Nos acerca al trabajo de Fabrice Caravaca (Dordogne, 1977). Vive en Limoges. Ha publicado cerca de diez libros. Participa en revistas y lecturas públicas. Desde 2005 dirige la editorial Dernier Télégramme.
Les cheveux de l’air trouvent l’odeur de l’oiseau mouillé. Derrière les pluies de couleurs nouvelles, la pluie ruisselle sur les plumes des oiseaux. Et les oiseaux ne changent pas. Les oiseaux ne bougent pas. Ils respirent l’odeur du plumage mouillé. L’orage n’est rien qu’une perturbation simple du paysage. Comme si le décor pour une heure ou deux devenait autre. Attendre seulement que l’odeur humide quitte les plumes. Et le paysage redevient le paysage, sans la pluie mais avec toutes les couleurs nouvelles que l’immobilité des oiseaux révèle.
Los cabellos del aire encuentran el olor del pájaro mojado. Detrás de las lluvias de colores nuevos, la lluvia fluye en las plumas de los pájaros. Y los pájaros no cambian. Los pájaros no se mueven. Respiran el olor del plumaje mojado. La tormenta no es más que una simple perturbación del paisaje. Como si el escenario para una hora o dos se volviera otro. Esperar solamente que el olor húmedo abandone las plumas. Y el paisaje vuelve a ser el paisaje, sin lluvia pero con todos los colores nuevos que revela la inmovilidad de los pájaros.
Au matin, la marche reprend contact avec les lumières. Calme et résignée comme à la poursuite d’elle-même. Marcher comme déjà l’homme a marché dans les rêves éveillés de la nuit. Au milieu des brumes et du noir et blanc de rêves toujours recommencés. Les rêves sont comme la marche. Un pas après l’autre. Un rêve après l’autre. Calmement, sans heurt, avec la violence de l’immobilité. Toujours les mêmes rêves et toujours les mêmes paysages. Des nuances de couleur parfois. Des inventions soudaines qui illuminent le parcours. Ce sont des esquisses. Après la nuit quelques éclats de lumière accélèrent la vitesse même des choses. Plusieurs temps se confondent. Temps du rêve et de la marche. Temps d’avant le commencement de la marche. Temps d’apparition des rêves éveillés. Temps perdu de la contemplation des pieds. Temps de la pensée ignorée. Et les questions solitaires du jour naissant.
Por la mañana, el camino vuelve a ponerse en contacto con la luz. Tranquilo y resignado como si se persiguiera a sí mismo. Caminar como el hombre caminó en los sueños despiertos de la noche. En medio de las brumas y del negro y blanco de sueños que siempre vuelven a empezar. Los sueños son como el camino. Un paso después del otro. Un sueño después del otro. Tranquilamente, sin tropiezos, con la violencia de la inmovilidad. Siempre los mismos sueños y siempre los mismos paisajes. A veces matices de color. Creaciones repentinas que iluminan el recorrido. Son esbozos. Después de la noche algunos destellos de luz aceleran la velocidad de las cosas. Varios tiempos se anudan. Tiempo del sueño y del camino. Tiempo de antes del comienzo del camino. Tiempo de aparición de los sueños despiertos. Tiempo perdido de la contemplación de los pies. Tiempo del pensamiento ignorado. Y las preguntas solitarias del día que nace.
(fragmentos de La falaise)
Les morts respirent fort au milieu des ruines. Les vents de la dévastation ne sont pas les respirations des morts. Le vent des morts a une histoire que les morts ne peuvent raconter. L’enfant avant de s’endormir lit dans les nuages du crépuscule et dans les cendres qui recouvrent ses mains l’histoire de la naissance des morts. L’histoire des morts qui ne meurent jamais. L’enfant invente avant de s’endormir l’archéologie des morts et de la fin. L’enfant invente aussi l’histoire du vent des morts. L’histoire de la propagation de la rumeur des morts. Les morts ne se taisent jamais vraiment. L’enfant s’endort avec des morts qui n’en finissent pas de vivre leur mort. L’enfant s’endort avec les mots des morts lus dans le ciel et les cendres qui racontent la naissance des morts.
Los muertos respiran fuerte en medio de las ruinas. El viento de la devastación no es la respiración de los muertos. El viento de los muertos tiene una historia que los muertos no pueden contar. Antes de dormir el niño lee en las nubes del crepúsculo y en las cenizas que cubren sus manos, la historia del nacimiento de los muertos. La historia de los muertos que no mueren nunca. Antes de dormir el niño inventa la arqueología de los muertos y del fin. También inventa la historia del viento de los muertos. La historia de la propagación del rumor de los muertos. En verdad los muertos nunca se callan. El niño se duerme con muertos que no terminan de vivir su muerte. El niño se duerme con las palabras de los muertos, leídas en el cielo y las cenizas que hablan del nacimiento de los muertos.
L’enfant est toujours belle et dans le poids de l’âme elle sait le poids de la mort. C’est un poids très léger comme l’est une voix douce et réconfortante. Une voix si douce qu’elle en est à peine audible. C’est comme un souffle, une respiration calme qui caresse le cou. C’est la douce caresse de la respiration du père ou de la mère. C’est la douce caresse d’une remémoration. Le poids de la mort contenu dans le poids de l’âme c’est le souffle chaud de la vie qui s’amenuise. C’est un petit feu qui lentement s’éteint et qui dans son extinction entretient une petite lumière rose orangée. Le poids de la mort c’est un souffle intimement infime qui ranime un petit feu qui s’éteint. Le poids de la mort c’est aussi une délicate brûlure dans le cou là où les lèvres du père ou de la mère venaient se poser en un baiser chaste et tremblant d’amour.
El niño es siempre hermoso y en el peso del alma conoce el peso de la muerte. Es un peso muy ligero, como una voz dulce y consoladora. Una voz tan dulce que es apenas audible. Es como un soplo, una respiración suave que acaricia el cuello. Es la dulce caricia de la respiración del padre o de la madre. Es la dulce caricia de un recuerdo. El peso de la muerte contenido en el peso del alma es el soplo tibio de la vida que disminuye. Es una brasa que lentamente se apaga y que mantiene en su extinción una pequeña luz rosa anaranjada. El peso de la muerte es un soplo íntimo que reanima una fogata que se apaga. El peso de la muerte es también quemadura delicada en el cuello, ahí donde los labios del padre o de la madre se posaban en un beso casto y trémulo de amor.
(fragmentos de ça sent le ciel)
L’homme sans plume
L’homme sans plume
ne cesse de parler
parce qu’il sait
qu’il est déjà mort
L’homme sans plume
n’a pas de plume
et vole sans fin
parce qu’il fait taire
la pesanteur
L’homme sans plume
réveille les rêves
et contemple ses bras
comme deux aiguilles
qui brisent le silence
L’homme sans plume
est une histoire
que les enfants se racontent
pour se rassurer
d’avoir peur des nuages
L’homme sans plume
est aussi une histoire
que se racontent les enfants
pour se rassasier
de leur peur des nuages
L’homme sans plume
change de nom
plusieurs fois par jour
avant de commencer
encore
de s’appeler
l’homme sans plume
L’homme sans plume
est beau
dans l’immobilité du ciel
l’homme sans plume
est dans le ciel
en même temps
qu’il invente des mots
d’avant toutes
les bouches
L’homme sans plume
ne ressemble pas
au bonhomme hiver
ni au père Noël
ni à l’oiseau qui défèque
il est l’homme sans plume
L’homme sans plume
n’est pas courageux
mais pour autant
l’homme sans plume
n’a pas peur
d’ailleurs
l’homme sans plume
déshabille le temps
L’homme sans plume
est aussi
un homme sans corps
et sans os
qui regarde les oiseaux
picorer les cailloux
sur les chemins
L’homme sans plume
sait compter jusqu’à w
qui va vite
et à rebours
l’homme sans plume
broie aussi des choses
entre ses dents
L’homme sans plume
n’a pas d’idées
derrière la tête
l’homme sans plume
n’a ni bonnes ni mauvaises
idées
c’est l’homme sans plume
et sans idée
et derrière sa tête
c’est le haut du ciel
L’homme sans plume
est immobile
comme un avion
qui ne vole pas
l’homme sans plume
vole mieux
qu’un avion qui ne vole pas
passionnément
L’homme sans plume
s’appelle
l’homme sans plume
parce que très précisément
il n’a pas de plume
ce n’est pas grave
parce que c’est comme ça
il est comme ça
sans plume
l’homme sans plume
L’homme sans plume
qui n’a pas de corps
a des yeux
avec un x comme un cercle
à la place des yeux
et des bras et des jambes
qui forment le x précis
contenu dans le cercle
L’homme sans plume
parle plusieurs langues
qui n’existent pas
mais qui rêvent beaucoup
L’homme sans plume
est sans rêve
parce que sans sommeil
puisque
l’homme sans plume
est déjà mort
L’homme sans plume
fatigue le sommeil
et joue avec la nuit
comme un monstre marin
l’homme sans plume
est d’ailleurs
aussi sans écaille
L’homme sans plume
est un poème
pour les enfants
interdit au moins de 12 ans
c’est comme ça
les enfants n’ont pas d’âge
l’homme sans plume
non plus
L’homme sans plume
est au-dessus
de tout cela
et de tout le reste
il a le privilège
de la hauteur
et de tout le reste
L’homme sans plume
ne laisse pas derrière lui
canettes vides et
bouteilles à infini
l’homme sans plume
sans faire le ménage
le fait pourtant très bien
comme passer
ainsi parfaitement
le plumeau
L’homme sans plume
n’a ni père ni mère
c’est-à-dire
que l’homme sans plume
n’a ni mère ni père
et pourtant
l’homme sans plume
vole bien
c’est-à-dire que
l’homme sans plume
vole passionnément
L’homme sans plume
n’a pas d’amis
mais
l’homme sans plume
n’a pas d’ennemis
s’il avait des ennemis
l’homme sans plume
serait sans amis
alors : voilà
L’homme sans plume
boit du vin blanc
avec son bec
qui est une bouche
qui ne boit
que l’air du temps
et le kérosène perdu
des nuages
L’homme sans plume
est une bande dessinée
pour sourds et muets
et cul de jatte et manchots
L’homme sans plume
est vraiment
une bande dessinée
très réussie
L’homme sans plume
est aussi
un homme sans nom
qui se demande
si cela en vaut la peine
même si c’est bien
mais quand même
sans plume
c’est long
L’homme sans plume
n’a pas d’âge
à 20 ans
il est mort
à 30 ans
il est mort
à 40 ans
il est mort
l’homme sans plume
est déjà mort
c’est ainsi
c’est l’histoire
L’homme sans plume
n’est pas une femme
sans plume
ou peut-être
et cela n’y changerait rien
L’homme sans plume
est un piège
à infini
qui sait
les multiples signes
du sens et de l’odorat
L’homme sans plume
aime cela
et ainsi de suite
parfois très vite
et passionnément
d’autres fois
tout autrement :
voilà :
c’était l’homme sans plume
El hombre sin pluma
El hombre sin pluma
no deja de hablar
porque sabe
que ya está muerto
El hombre sin pluma
no tiene pluma
y vuela sin fin
porque calla
la gravedad
El hombre sin pluma
despierta los sueños
y contempla sus brazos
como dos agujas
que fracturan el silencio
El hombre sin pluma
es una historia
que los niños se cuentan
para tranquilizarse
de tener miedo a las nubes
El hombre sin pluma
es también una historia
que se cuentan los niños
para saciarse
de su miedo a las nubes
El hombre sin pluma
cambia de nombre
varias veces al día
antes de comenzar
a llamarse
el hombre sin pluma
El hombre sin pluma
es bello
en la inmovilidad del cielo
el hombre sin pluma
está en el cielo
al mismo tiempo
que inventa palabras
de antes de todas las bocas
El hombre sin pluma
no se parece
a un muñeco de nieve
o a Santa Claus
ni al pájaro que defeca
él es el hombre sin pluma
El hombre sin pluma
no es valiente
por ello
el hombre sin pluma
no tiene miedo
por otra parte
el hombre sin pluma
desviste al tiempo
El hombre sin pluma
es también
un hombre sin cuerpo
y sin hueso
que mira los pájaros
picotear las piedras
en los caminos
El hombre sin pluma
sabe llegar hasta w
que va rápido
y hacia atrás
El hombre sin pluma
también tritura
cosas entre sus dientes
El hombre sin pluma
no tiene ideas
en la cabeza
El hombre sin plumas
no tiene ni buenas ni malas
ideas
es el hombre sin pluma
y sin idea
y detrás de su cabeza
está lo alto del cielo
El hombre sin pluma
está inmóvil
como un avión
que no vuela
El hombre sin pluma
vuela mejor que un avión que no vuela
apasionadamente
El hombre sin pluma
se llama
el hombre sin pluma
porque precisamente
no tiene pluma
no es grave
porque es así
él es así
sin pluma
El hombre sin pluma
que no tiene cuerpo
tiene ojos
con una X como un círculo
en lugar de ojos
y brazos y piernas
que forman una X precisa
contenida en el círculo
El hombre sin pluma
habla muchas lenguas
que no existen
pero que sueñan mucho
El hombre sin pluma
no tiene sueño
ya que sin sueño
el hombre sin pluma
está ya muerto
El hombre sin pluma
fatiga el sueño
y juega con la noche
como un monstruo marino
El hombre sin pluma
tampoco tiene escamas
El hombre sin pluma
es un poema
prohibido
para los niños
menores de 12 años
es así
los niños no tienen edad
el hombre sin plumas
tampoco
El hombre sin pluma
está por encima
de todo esto
y de todo lo demás
tiene el privilegio
de la altura
y de todo lo demás
El hombre sin pluma
no deja detrás de sí
latas vacías
e infinitas botellas
El hombre sin pluma
hace sin hacer
muy bien la limpieza
como pasar
perfectamente
el plumero
El hombre sin pluma
no tiene padre ni madre
es decir
que el hombre sin pluma
no tiene madre ni padre
y sin embargo
el hombre sin pluma
vuela bien
es decir
el hombre sin pluma
vuela apasionadamente
El hombre sin pluma
no tiene amigos
pero
tampoco tiene enemigos
si los tuviera
el hombre sin pluma
no tendría amigos
Entonces, aquí lo tienen:
el hombre sin pluma
bebe vino blanco
con su pico
que es una boca
que no bebe
sino el aire del tiempo
y el keroseno perdido
de las nubes
El hombre sin pluma
es un cómic
para sordos y mudos
para mancos y tullidos
El hombre sin pluma
es en verdad
un cómic
muy logrado
El hombre sin pluma
es también
un hombre sin nombre
que se pregunta
si eso vale la pena
incluso si está bien
pero aún así
sin pluma
es largo
El hombre sin pluma
no tiene edad
murió
a los 20 años
murió
a los 30
murió
a los 40
El hombre sin pluma
ya ha muerto
así es la historia
El hombre sin pluma
no es una mujer
sin pluma
o tal vez
y eso no cambiaría nada
el hombre sin pluma
es una trampa
infinita
que conoce
los signos múltiples
del sentido y del olfato
Al hombre sin pluma
le gusta eso
y así sucesivamente
a veces muy rápido
y apasionadamente
a veces
de otra manera.
Aquí está:
era el hombre sin pluma.