Audomaro Hidalgo construye una imagen de la poesía francesa contemporánea. Nos acerca al trabajo de Irène Gayraud (Sète, 1984). Es poeta, traductora y académica. Ha publicado cuatro poemarios: à distance de souffle, l’air (Éditions du Petit Pois, 2014), Voltes (Al Manar, 2016), Point d’eau (Éditions du Petit Véhicule, 2017) y Téphra (Al Manar, 2019). Ha publicado también la novela Le livre des incompris (Maurice Nadeau, 2019).Desde 2018 enseña literatura comparada como «Maîtresse de Conférences» en La Sorbona.
Certains soirs depuis qu’elle habitait dans son nouvel appartement, elle percevait, à peine allongée dans le noir, un bruit d’eau qui s’écoulait, comme si un ruisseau était apparu soudain devant sa porte. Quelques fois elle se relevait, pour vérifier si aucun filet d’eau ne s’échappait des robinets ou du pommeau de douche. Mais le son s’effaçait dès qu’elle se mettait debout, pour reprendre aussitôt qu’elle se recouchait. Tandis que le sommeil l’emportait peu à peu, elle écoutait l’eau couler à l’intérieur d’elle-même, prendre source dans sa gorge, dévaler le long de sa trachée, puis sombrer plus bas, beaucoup plus bas, avec des clapotements sourds résonnant sur les parois d’une caverne sous-marine.
Ciertas noches, desde que vivía en su nuevo departamento, apenas se acostaba a oscuras, ella percibía un ruido de agua que corría, como si de pronto hubiese aparecido delante de su puerta un riachuelo. Algunas veces se levantaba para comprobar si no se escapaba algún chorro de agua del grifo o de la regadera. Pero el sonido desaparecía cuando se ponía de pie, para recomenzar apenas volvía a acostarse. Mientras que el sueño la llevaba poco a poco, ella escuchaba fluir el agua en su interior, brotar en su garganta, descender por su tráquea, luego se hundía abajo, mucho más abajo, con un chapoteo sordo que resonaba en las paredes de una caverna submarina.
Tous les champs autour du fleuve étaient inondés. Il avait grossi monstrueusement jusqu’à engloutir le paysage. Des arbres isolés semblaient avoir poussé au milieu de lacs, la moitié d’une petite chapelle crevait l’eau morte qui rongeait déjà la pierre. Les piquets des clôtures délimitaient des rectangles aquatiques, comme pour un partage des eaux définitif. Sur une petite barque, amarrée sous la surface à ce qui avait dû être une berge du fleuve, un héron se dressait, surpris de l’étendue nouvelle de son territoire de chasse, hébété comme Noé sur son arche, et comme lui sachant que la descente des eaux ne viendrait plus.
Todos los campos estaban inundados. El río había crecido desmesuradamente hasta engullir el paisaje. Unos árboles aislados parecían haber crecido en medio de lagos, la mitad de una capilla pequeña perforaba el agua muerta, que ya devoraba la piedra. Los postes del alambrado delimitaban rectángulos acuáticos, como para un reparto definitivo de las aguas. En una barca pequeña, amarrada bajo la superficie de lo que debió ser una orilla del río, se erguía una garza, asombrada por la nueva extensión de su territorio de caza, aturdida como Noé en su arca, y como él sabiendo que el descenso de las aguas no vendría más.
La nuit avait pourtant été des plus paisibles.
À l’aube, lorsqu’il ouvrit la porte de sa ferme pour se rendre à l’étable, des cadavres de chiens-loups, entassés les uns sur les autres, s’amoncelaient sur tous les champs alentours. Il fut pris de nausée devant leurs gueules ouvertes d’où pendaient des langues vitreuses. Dans leurs yeux opaques et révulsés il distingua l’effroi d’une vision inconnue. Des nuées de grosses mouches saturaient l’air.
Il pensa un instant à ces milliers d’oiseaux tombés soudain du ciel quelques semaines auparavant, et à tous ces poissons inexplicablement morts dans les rivières, de l’autre côté du pays. Mais cette fois les cadavres gisaient sur ses champs, encerclaient sa maison.
Le vrombissement incessant des mouches lui vrillait les oreilles. Aucun meuglement, aucun bêlement ne se faisait entendre depuis l’étable ou la bergerie. Il essaya de discerner l’horizon derrière les masses noires et mouvantes des mouches, mais ne put déceler de ligne où le vert de l’herbe succédait au gris du poil des bêtes. Il comprit qu’il devait fuir, fuir quitte à courir sur ce sol fait de charognes, quitte à s’enfoncer dans les corps mous des chiens-loups. Mais il restait figé, n’osant plus respirer par peur d’avaler des paquets d’insectes encore humides d’avoir butiné les yeux des cadavres.
Sin embargo, la noche había sido una de las más apacibles.
Al alba, cuando abrió la puerta de su granja para ir al establo, unos cadáveres de perros-lobos, apilados unos encima de otros, se amontonaban en los campos de los alrededores. Sintió náuseas ante sus hocicos abiertos, de los que colgaban lenguas vidriosas. En sus ojos opacos y vacíos distinguió el espanto de una visión desconocida. Densas nubes de moscas saturaban el aire.
Un instante pensó en esos innumerables pájaros caídos de pronto del cielo algunas semanas antes, y en todos esos pescados inexplicablemente muertos en los ríos, del otro lado del país. Pero esta vez los cadáveres yacían en sus campos, rodeaban su casa.
Sentía el zumbido incesante de las moscas en los oídos. Ningún mugido, ningún balido se escuchaba desde el establo o el redil. Trató de distinguir el horizonte detrás de las masas negras y movedizas de las moscas, pero no encontró una línea en donde el verde de la hierba sucediese al pelaje gris de los animales. Comprendió que debía huir, correr por ese suelo de carroñas, huir avanzando entre los cuerpos blandos de los perros-lobos. Pero se quedaba paralizado, sin atreverse a respirar por miedo a tragar insectos aún húmedos por haber libado los ojos de los cadáveres.
«L’île contient une centaine d’espèces d’oiseaux. À part ça, rien, pas un chat, vous aurez de belles photos».
Quand il arriva sur la plage, dans une barque de pécheur, des vols entiers d’oiseaux farouches, sauvages, comme l’île vierge et presque jamais foulée, s’élevèrent de la terre en poussant des cris, en dessinant des figures d’alarme.
Il les observait plonger à-pic dans la mer, et distinguait des dizaines de plumages différents, quand il remarqua, un peu plus loin, un petit cercle de couleur sur le sable. C’étaient de menus morceaux de plastique, entassés sur quelques centimètres de diamètre. Les cercles, assez réguliers, jalonnaient la côte ; il pensa confusément à une sorte de rituel.
En s’éloignant de la plage, vers l’intérieur des terres, les débris de plastique devenaient plus nombreux, toujours disposés en petits tas. Autour de ces cercles apparaissaient maintenant quelques plumes éparses, et des restes de squelettes. Les fragments de plastique, multicolores et luisant sous le soleil, occupaient le centre des squelettes, là où avait dû se trouver l’estomac des oiseaux. Lorsqu’il releva la tête vers le bruissement lointain des ailes, être un homme était devenu difficile à digérer.
«La isla posee un centenar de especies de aves. A parte de eso, no hay nada más. Obtendrá lindas fotos».
Cuando llegó a la playa, en una barca de pescador, vuelos enteros de aves ariscas, salvajes como la isla virgen y casi nunca pisada, se elevaron de la tierra dando gritos, dibujando figuras de alarma.
Las observaba hundirse en el agua, y distinguía decenas de plumajes diferentes, cuando notó, un poco más lejos, un círculo pequeño de color en la arena. Eran pedazos de plástico apilados en algunos centímetros de diámetro. Los círculos, bastante regulares, se extendían por la costa. Confusamente pensó en una especie de ritual.
Al alejarse de la playa hacia el interior de los médanos, los desechos de plástico se hacían más numerosos, siempre dispuestos en pequeños montones. Ahora, alrededor de esos círculos, aparecían algunas plumas dispersas, y restos de esqueletos. Los fragmentos de plástico, multicolores y brillantes bajo el sol, ocupaban el centro de los esqueletos, ahí donde debió encontrarse el estómago de los pájaros. Cuando levantó la cabeza hacia el chillido lejano de las aves, ser un hombre se había vuelto difícil de digerir.