Poesía francesa actual: Linda María Baros

Audomaro Hidalgo lee poesía francesa contemporánea. Traduce aquí la poesía de Linda Maria Baros (1981). Es poeta, traductora, editora y doctora en literatura comparada por La Sorbona. Vive en París. Ha publicado, entre otros, Le livre de signes et d´ombres (éditions Cheyne, Prix de la Vocation de Poésie, 2004), La Maison en lames de rasoir (éditions Cheyne, Prix Apollinaire, 2007), LAutoroute A4 et autre poèmes (éditions Cheyne, 2009). Es secretaria general del Premio Apollinaire, ponente general de la Academia Mallarmé y vicepresidenta del PEN Club francés. Sus poemas han sido traducidos en 40 países. Ha traducido 43 libros. Linda Maria Baros es directora de la editorial La Traductière, del Festival de Poesía Paris franco-anglais, asimismo es redactora de la revista de poesía y arte visual La Traductière. Los siguientes poemas pertenecen al libro La nageuse désossée. Légendes métropolitaines (Le Castor Astral, 2020), con el que obtuvo el Prix international francophone du Festival de la poésie de Montréal 2021 y Prix Rimbaud 2021 de la Maison de Poésie de Paris). Enorme garra de plata en la mano derecha.

 

 

 

Je sors dans la rue avec l’ange

Je sors dans la rue avec l’ange.
Comme une chaîne enroulée autour de la main.

Blanchie par la chaux des murs.

 
Les hommes que je rencontre
me lèchent la main et les chevilles,
me suivent de près.
Je leur marche dessus
comme sur des charbons ardents,
comme sur des vagues, sur des toits.

 
Je n’ai aucune pitié
pour les hommes qui m’aiment.
Ma chaîne a ouvert sur leur dos
des pupilles de serpent.

 
Me saluent tous ceux qui ont dormi
au bord des hauts toits,
ceux qui ont porté leurs poumons
jusqu’aux tréfonds des eaux
– comme de très minces chiens de chasse –
et les ont accoutumés à y respirer.

 
Me saluent, d’en bas, les autres – les civils.
Atteints par la comatose.
Ceux dont on a cassé les dents avec une barre de fer.
Les cliniques magistrales, les entremetteurs.

 
Les déshérités du sort me saluent, les contusions, la toux.
Sous le lit fument peut-être encore
les canons du fusil.

 
Je suis sortie dans la rue avec l’ange. Je rentre chez moi.
Comme une chaîne enroulée autour de la main.

 

 

 

 

Salgo a la calle con el ángel

Salgo a la calle con el ángel.
Como una cadena enrollada en la mano.
Blanqueada por la cal de los muros.

 
Los hombres que conozco
me lamen la mano y los tobillos,
de cerca me siguen.
Camino encima de ellos,
como sobre carbones ardientes,
como sobre olas, sobre techos.

 
No tengo piedad
con los hombres que me aman.
Mi cadena ha abierto en sus espaldas
pupilas de serpiente.

 
Me saludan aquellos que han dormido al borde
de los altos techos,
aquellos que han llevado sus pulmones
hasta las profundidades de las aguas
-como flacos perros de caza-
y los han acostumbrado a respirar.

 
Me saludan, por abajo, los otros-los civiles.
Afectados por la comatosa.
Aquellos a quienes les han roto los dientes con una barra de hierro.
Las clínicas magistrales, los alcahuetes.

 
Me saludan los desheredados de la suerte, las contusiones, la tos.
Tal vez bajo la cama fuman aún
los cañones del fusil.

 
He salido a la calle con el ángel. Regreso a casa.
Como una cadena enrollada en la mano.

 

 

 

 

Le pistolet d’insémination

 
Tout comme cette lumière qu’on exfolie de la rétine
dans un sous-sol occulte, un projecteur dans les yeux,
c’est ainsi que j’imagine la mort de la poésie.

 
Puisque ce n’est pas la combustion de la mort qui noircit
les os, mais, encrassés, le code de barres et les foreuses
des décorations,
les verres que les invités lancent, joyeux, jusqu’au plafond
– phosphorescents ! –
et les musiciens sauvages qui viennent les attraper
avec leur bec.

 
C’est pour cela que j’écris le meilleur poème
que je puisse écrire.
Le poème qui trépane, brise les sutures en surjet
et laisse ses artères, comme des tuyaux
sous pression, se débattre, libres, autour du cou.
Qui taillade les poignets de l’air
et en libère les dieux, les pierres.

 
On pratique les plus grands raclages sur la feuille de papier
et sous les armes.
Mais la main avec laquelle j’écris se sépare du corps,
comme les mains des détenus sibériens
cachées parmi les rondis empilés dans de longs trains
glacés qui partent dans le monde.
Rien, pas même un geignement ne résonne
à travers le tunnel métallique de la langue.

 
Je tends la main, gardée par les volets de la clinique,
par les mâtins blancs des volets,
juste assez pour qu’elle écrive le poème qui lave
tes pieds fatigués dans son urine.
Aucun sein, aucun nuage ne tremble.
Peut-être les armes d’assaut.
Les rues.

 
Ma main attachée comme une menotte
à la vision qu’elle a de la poésie.
La main – détachée du corps – flottant par-dessus le monde.
Un pistolet d’insémination dans son champ d’action.

 
 
 

 

La pistola de inseminación

 
Como esa luz que se exfolia de la retina
en un sótano oculto, un proyector en los ojos,
así imagino la muerte de la poesía.

 
Porque no es la combustión de la muerte que oscurece
los huesos sino, obstruidos, el código de barras y los taladros
de las decoraciones,
las copas que los invitados lanzan, alegres, hasta el techo,
¡fosforescentes!
y los músicos salvajes que acaban de atraparlos
con sus picos.

 
Por eso escribo el mejor poema
que pueda yo escribir.
El poema que trepana, rompe las suturas continuas
y deja sus arterias como mangueras
a presión, batiéndose, libres, alrededor del cuello.
Que corta las muñecas del aire
y libera a los dioses, las piedras.

 
Se practican enormes legrados en la hoja de papel
y bajo las armas.
Pero la mano con la que escribo se separa del cuerpo,
como las manos de los detenidos siberianos
escondidas entre los troncos apilados en largos trenes
helados que parten al mundo.
Nada, ni quiera un quejido resuena
en el túnel metálico de la lengua.

 
Tiendo la mano, vigilada por los postigos de la clínica,
por los blancos perros guardianes de los postigos,
lo suficiente para que escriba el poema que lave
tus pies cansados en su orina.
Ningún seno, ninguna nube tiembla.
Quizá las armas de asalto.
Las calles.

 
Mi mano atada como esposas
a la visión que tiene de la poesía.
La mano -separada del cuerpo- flotando encima del mundo.
Una pistola de inseminación en su campo de acción.

 

 

 

 

Le circuit de la récompense. Dopamine et plaisir

 
Chaque nuit, le nœud pubien se desserre petit à petit.
La peau s’élime.
Avec quelques outils mous, de chair,
nous essayons de défaire la haute couture crânienne de l’esprit,
d’ouvrir les boîtes noires des plaisirs.

 
Commence ainsi le circuit de la récompense. Avec
la courbure d’une viole qui garde dans la chambre
acoustique les halètements des instrumentistes.
Nous nous mentons. Nous cherchons une autre combustion,
une nouvelle étreinte – une sorte de loupe
à travers laquelle le monde se montre autrement,
les choses telles qu’elles ont été faites.
Que la chair ne pende plus au-dessus du lit
comme si elle suintait d’un crochet.

 
La nuit, nous gaspillons tellement d’insistance.
Le bruissement du drap, l’étincellement nocturne
de la peau qui sécrète beaucoup de tristesse.
Le silence la langue qui s’entêtent
comme un pont à rapprocher les gens.
Tous les nœuds se desserrent progressivement,
selon le mythe du recyclage stérile.
Dans l’éternelle et désespérée quête de l’amour.
Et les choses se donnent à voir, après tout,
telles qu’elles sont.
Déshabillées des noms translucides qui les
désignent, nettoyées de la vessie de tout concept.
Pures, inévitables, d’une cruauté infinie.

 
Et le fleuve cogne, sous les fenêtres, contre le pont.
Comme s’il nourrissait ses noyés
du dernier étage.

 

 

 

 

El circuito de la recompensa. Dopamina y placer

 
Cada noche, el nudo púbico se afloja poco a poco.
La piel raída.
Con algunas herramientas blandas, de carne,
intentamos deshacer la alta costura craneal del espíritu,
abrir la caja negra de los placeres.

 
Así comienza el circuito de la recompensa. Con
la curvatura de una viola que guarda en la cámara
acústica el jadeo de los instrumentistas.
Nos mentimos. Buscamos otra combustión,
un nuevo abrazo, una especie de lupa
a través de la cual el mundo se muestre de otra manera,
las cosas tal como fueron hechas.
Que la carne ya no cuelgue sobre la cama
como si rezumara de un gancho.

 
Por la noche, derrochamos tanta insistencia.
El crujido de la sábana, el centelleo nocturno
de la piel secretando mucha tristeza.
El silencio, la lengua que se obstinan
como un puente para acercar a las personas.
Según el mito del reciclaje estéril,
todos los nudos se aflojan progresivamente.
En la eterna y desesperada búsqueda del amor.
Y las cosas se muestran, después de todo,
tal como son.
Desnudas de los nombres translucidos que las
designan, limpias de la vejiga de todo concepto.
Puras, inevitables, de una crueldad infinita.

 
Y el río choca, bajo las ventanas, contra el puente.
Como si alimentara a sus ahogados
del último piso.

 

 

 

 

Le nuage d’Oort

 
Au petit matin, tu n’entends plus tes os se briser.

 
Il n’y a que les éjaculations d’hier qui sortent de ton corps.
On dirait des signatures :
elles vibrent comme des aiguilles sismiques
dans une sorte de séance prolongée
d’acupuncture,
de vaudou.

 
Les éjaculations qui s’évadent des lingots poreux,
en platine, de tes vieux os,
et séparent – dans ton subconscient tribal –,
comme des sexes, le ciel et la terre.
Qui transpercent la poitrine,
donnent des noms, des trépanations,
qui vivent, qui dansent dans l’air tout comme les flammes,
plus longtemps que l’oxygène environnant.
Clouées dans. Excisées de ta chair.

 
Un fil invisible les relie à leur point de départ,
qui glapit de loin, depuis une autre chair,
depuis une autre voie périphérique.
Tu les vois se détacher de ton corps
au long de cet écart narcotique,
voler en morceaux quelque part, en dehors de toi.

 
Elles explosent. T’engluent.

 

 

 

 

La nube de Oort

 
Al amanecer, ya no escuchas tus huesos romperse.

 
No hay sino las eyaculaciones de ayer que salen de tu cuerpo.
Son como firmas:
vibran como agujas sísmicas
en una suerte de sesión prolongada
de acupuntura,
de vudú.

 
Las eyaculaciones que se escapan de lingotes porosos,
en platino, de tus viejos huesos,
y separan-en tu subconsciente tribal-
como sexos, el cielo y la tierra.
Que perforan el pecho,
dan nombres, trepanaciones,
que viven, que bailan en el aire como las llamas,
mucho más tiempo que el oxígeno circundante.

 
Clavadas en. Extirpadas de tu carne.

 
Un hilo invisible las conecta a su punto de partida
que chilla desde lejos, desde otra carne,
desde otra vía periférica.
Tú las ves desprenderse de tu cuerpo
a lo largo de este desvío narcótico,
volar en pedazos en algún lado, fuera de ti.

 
Explotan. Te untan.

 

 

 

 

 

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