Audomaro Hidalgo delinea un panorama de la poesía francesa actual. Nos acerca al trabajo de la poeta Anna Ayanoglou (Paris, 1985). Hizo estudios de literatura rusa. Vivió en Lituania y en Estonia. Su primer libro de poesía, Le fil des traversées (Gallimard, 2019) recibió el Prix Apollinaire Découverte y el Prix Révélation de Poésie de la SGDL en 2020. Actualmente vive en Bruselas, en donde escribe y concibe la emisión « Et la poésie, alors ? » en Radio Panik. Los siguientes poemas pertenecen al libro Sensations du combat (2022) (© Gallimard, todos los derechos reservados).
On se figure les cicatrices comme elles sont
habituellement-une ligne
plus ou moins longue et régulière
Les miennes se rouvrent
comme des volets battants une nuit de tempête
-la première en réveille une autre
et bientôt dans les chocs, le tumulte
elles crient-quelle naïve étais-tu
pour nous avoir crues refermées ?
Uno se imagina las cicatrices
como suelen ser: una línea
regular, más o menos larga.
Las mías se reabren como persianas
que baten una noche de tormenta,
la primera despierta a las demás
y pronto, en los choques, en el tumulto
gritan: “¡qué ingenua fuiste
al creernos cerradas!”
Eclipse de combat
Vilnius est cette lune
qui m’épargne les rais de feu
contre lesquels, les jours mesquins
au détriment de tout, je lutte
Chaque année, quelques jours
je me place sous sa protection
Dans l’ombre qu’elle projette
les lieux brûlés
s’apaisent
dans l’ombre qu’elle protège
nue, à nouveau première
ma joie peut reverdir.
Eclipse de combate
Vilnius es esta luna
que me protege de los rayos de fuego
contra los cuales, en los días mezquinos
a pesar de todo, yo lucho.
Cada año, algunos días
me coloco bajo su protección.
En la sombra que ella proyecta
se calman los lugares ardidos.
En la sombra que ella protege,
nuevamente desnuda
puede reverdecer mi alegría.
De toutes parts
Prologue
Je n’arrive plus à y revenir, le gaz moutarde
des heures communes me paralyse la mémoire
Je n’arrive plus, je dois pourtant
remonter le courant, passer l’éloignement
-elle est là, je le sais
Ma joie de les trouver, tout au début
puis de les retrouver
trois mois, chaque matin
avant l’orage qui a tout emporté
et la chaleur du cours
notre nouveauté, à tous, cela-
Je crois qu’elle vient de me frôler.
De todas pates
Prólogo
Ya no puedo volver, el gas mostaza
de las horas comunes
me paraliza la memoria.
No lo consigo. Aún así
debo remontar la corriente,
atravesar distancias,
está ahí, lo sé
mi alegría de conocerlos al inicio
y luego volver a encontrarlos
cada mañana durante tres meses,
antes de la tormenta
que se lo ha llevado todo.
Y el calor de la clase,
la novedad de todos,
creo que acaba de rozarme.
I
Il y a cette origine, que mon nom dit
son intenable intensité, parfois
De chaque départ
elle est le centre de gravité
-une fournaise autour de laquelle
j’évolue
et aujourd’hui
voilà que la Méditerranée me revient-
les Syriens comme les Grecs disent non
en haussant les sourcils
ou d’un coup de menton
-c’est doux, je ne les connais pas
ils me sont déjà familiers
-ne veulent rien me remontrer
Et n’attendant rien d’eux
je peux me réchauffer
sans craindre d’être consumée.
I
Es este origen que mi nombre dice,
su intensidad insostenible, a veces.
De cada partida
es el centro de gravedad,
una caldera
en torno de la cual me muevo.
Y hoy regresa a mí el Mediterráneo,
los sirios y los griegos dicen no
levantando las cejas
o con un golpe de barbilla;
-es dulce, aún no los conozco
pero ya me son familiares,
no desean mostrarme nada.
Y sin esperar nada de ellos
yo puedo calentarme
sin miedo de ser consumida.
II
Nouveaux les uns aux autres
eux Syriens, Irakiens : mes étudiants
et la langue étrangère-ce chemin
du début, comme une seconde enfance
-à ceci près que je ne veux être et ne serai
ni leur mère ni leur père
aînée, plutôt-voilà : aînée
et la salle de la classe sera la maison, libre
que nos parents nous ont laissée.
II
Nuevos los unos a los otros,
mis estudiantes: sirios, iraquíes.
Y la lengua extranjera, ese camino
del principio, como una segunda infancia,
excepto que no quiero ser ni seré
su madre ni su padre.
La mayor, ahí está, más bien la mayor.
Y el salón de clases será la casa libre
que nos han dejado nuestros padres.
III
Tu plonges, les yeux ouverts
dans leur altérité
tu sautes et tu t’ébats
-cette joie de la nouveauté, cette joie
de sabrer un à un les fantasmes
lorsque surgit l’individu
et ils commencent à croire qu’ils t’ont conquise
-elles, surtout
que tu seras leur à jamais
-ta passion prouve leur supériorité, n’est-ce pas ?
le jour sera, pourtant, où tu ressortiras
car tu ressorts toujours
où sous les reproches d’abandon
tu retourneras à ta terre-instable et nue
à tous ses vents contraires.
III
Con los ojos abiertos te sumerges
en su alteridad, saltas
y te envuelves esa alegría de la novedad.
Comienzan a pensar que te han conquistado,
-sobretodo ellas-
que tú serás suya para siempre,
tu pasión prueba su superioridad, ¿no es cierto?
Y llegará el día en el que salgas
-porque tú siempre sales-
bajo los reproches de abandono,
volverás a tu tierra, inestable y desnuda,
a todos sus vientos contrarios.
Sensations du combat, Variation II
C’est une forêt sombre, dense
dont les arbres poussent vite
quelle que soit la saison
quelle que soit ta santé
et sans discontinuer
pour survivre, tu dois les élaguer
repousser les lianes
qui le soir, plus que tout
prolifèrent
Quand les forces te manquent
-toujours elles finissent par manquer
les arbres continuent de pousser
Leurs branches agiles gagnent ta gorge
t’enserrent le diaphragme
-la forêt est en toi
dorénavant
son poison noir te part du cœur
Sensaciones del combate, variación II
Es un bosque sombrío, denso,
cuyos árboles crecen rápidamente
en cualquier época del año
sin importarles tu salud.
Para sobrevivir debes podarlos
infatigablemente
eliminar las lianas
que por la noche abundan más que nada.
Cuando te faltan fuerzas
-siempre acaban faltando-
los árboles continúan creciendo,
ganan tu garganta sus ágiles ramas,
te aprietan el diafragma.
El bosque está dentro de ti,
desde ahora su negro veneno
sale de tu corazón.
Sensations du combat, Variation II
J’essaie de faire sortir le mal
-par la bouche
Qu’il sorte, sans s’émietter à l’intérieur
-mais s’il sortait d’un coup
J’ai toujours peur qu’il me déchire
-comment survivre, ensuite
Sans parole ?
Sensaciones del combate, Varición II
Trato de sacar el mal por la boca,
que salga sin desmoronarse dentro.
pero sale de golpe,
siempre tengo miedo de que me rompa.
¿Cómo sobrevivir, entonces, sin las palabras?
Sensations du combat, Variation III
Cette enveloppe épaisse
qui se solidifie autour de toi
il faut le feu, il faut la force, il faut la ruse
pour déjouer son avancée
-nourrir en soi le feu
ne pas perdre la force
savoir construire la ruse.
Sensaciones del combate, Variación III
Esa gruesa envoltura
que se solidifica en torno tuyo,
se necesita fuego, fuerza, astucia,
para frustrar su avance.
Alimentar el fuego en uno mismo,
no perder la fuerza,
saber edificar la astucia.
Je ne construis pas d’espoir
-je ne crois qu’au présente
Et aujourd’hui je vois :
Nous avons survécu.
No construyo esperanza,
yo solo creo en el presente
y hoy lo veo:
hemos sobrevivido.