Poesía francesa: Jean-Baptiste Pedini

Audomaro Hidalgo construye un dossier de la poesía francesa actual. Aquí nos acerca al trabajo de Jean-Baptiste Pedini (Rodez, 1984). Vive y trabaja en El Gers. Ha publicado los libros Passant l’été (Cheyne éditeur, 2012), Le ciel déposé là (L’arrière-pays, 2016) y Comme le fleuve au paysage junto a Vincent Motard-Avargues (Editions de l’aigrette, 2020). También ha colaborado en más de treinta revistas y en obras colectivas. Obtuvo el Prix de Poésie de la Vocation 2012. Los siguientes poemas pertenecen al libro Trouver refuge (Cheyne éditeur, collection Grise, 2017). © Cheyne éditeur, todos los derechos reservados.

 

 

 

            On marche sur un chemin juste tracé par les fougères. On entend du remue-ménage dans un bosquet que l’on distingue mal. Pas grand-chose à en attendre. Murmures. Bris de bois.

            On marche à peu près, dans une ombre tournante. Les coteaux lentement s’éteignent. Les plumes argentées brillent dans une obscurité serrée comme une cage.

On marche en laissant les voix derrière, les bosquets habités de simples éclats.

 

 

 

 

Vamos por un camino apenas trazado por los helechos. Un alboroto apenas audible desde la arboleda confusa. No hay mucho que esperar. Murmullos. Crujidos de madera.

            Caminamos en una sombra giratoria. Las laderas desaparecen lentamente. Las plumas plateadas brillan en una obscuridad cerrada como una caja.

Caminamos dejando detrás las voces, la arboleda habitada de mínimos destellos.

 

 

            Après l’orage, tout est un peu chancelant. On passe de longues heures à retirer l’argile sous les semelles du jour.

            On va avec les pieds trempés et peut-être les sorties de piste, un cœur filandreux, l’écorce molle qui en couvre les bords. Le silence à coup sûr.

            Après l’orage, les champs sont pleins de bosses, pleins de fatigues, pleins de murmures. Le paysage se raconte à voix basse.

 

 

Después de la tormenta, todo vacila un poco. Pasamos largas horas retirando la arcilla de las suelas del día.

Vamos con los pies empapados y abandonamos el camino, un corazón fibroso, la corteza blanda que cubre los bordes, sin duda el silencio.

Después de la tormenta, los campos están llenos de baches, de cansancio, llenos de murmullos. El paisaje se dice en voz baja.

 

 

 

On reste ici à l’écart du silence. Chaque sanglot retenu est tel un claquement de langue.

C’est l’espace qui manque. Même les murs halètent. Même les voix sont une mise en garde. Mais on ne fait rien. On regarde dehors où tout est encore endormi. Les fermes en bataille. Les clôtures empêtrées dans la terre. Un étang à proximité.

On regarde dehors et ce n’est pas un mot qui vient ni l’attente déliée. Ce qui vient est vivant. Une réplique sauvage. Presque un chuchotement.

 

 

Nos mantenemos al margen silencio. Cada sollozo contenido es como un chasquido de los dientes.

Es el espacio lo que falta. Los muros jadean y las voces son incluso una advertencia. Pero no hacemos nada. Miramos hacia fuera: todo duerme aún. Las granjas enfrentadas. Las vallas enredadas en la tierra. Un estanque cerca.

Miramos hacia fuera y no es una palabra lo que llega ni es la espera desatada. Lo que avanza está vivo. Una réplica salvaje. Casi un susurro.

 

 

 

 

Toute cette terre face à nous est une lumière éteinte. Le blanc fatigue dans un espace où les frênes se courbent et portent l’aube en transparence.

On attend maintenant que le soleil vienne. Que les couleurs se mettent prestement en place. Que chacun reprise ses peurs. Que nos ombres prennent appui sur le ciel.

 

 

 

Frente a nosotros, toda esta tierra es una luz apagada. En un espacio donde los fresnos se inclinan y llevan la transparencia del alba, el blanco cansa.

Ahora esperamos que venga el sol. Que los colores ocupen rápidamente su lugar. Que cada uno retome sus miedos. Que nuestras sombras se asienten en el cielo.

 

 

C’est déjà insensé de parcourir ces terres pauvres. Presque beau de marcher sous la pluie à la recherche de soi. Avec la brume qui colle aux pieds et alourdit les mots, le chemin d’un coup trop étroit pour y passer entier. Avec les petites terreurs qui se réconfortent seules.

C’est presque une habitude. L’eau qui tombe du ciel donne assez de lumière.

 

 

Es absurdo recorrer estas tierras pobres. Casi hermoso caminar bajo la lluvia en busca de uno mismo. Con la niebla que se pega a los pies y vuelve pesadas las palabras, el camino es de golpe demasiado estrecho para avanzar, con los terrores pequeños que se consuelan solos.

Es casi una costumbre: el agua que cae del cielo entrega demasiada luz.

 

 

 

Le vent semble Parfois lancé à la poursuite du jour. Ça rugit dans les environs. Toute la campagne baigne dans des lueurs cuivrées qui ne partent pas avec le soir.

On reste là, spectateur d’un road movie sans intérêt. Les branches du pêcher tapent au carreau de la fenêtre. L’oublie aiguise ses lames.

On sait que même ces instants finiront par ternir, par s’ébrécher, par voir l’air gagner la mémoire. On le sait. Presque rien ne se répare.

 

 

 

A veces, el viento parece perseguir el día, ruge en los alrededores, baña toda la campiña con resplandores cobrizos, que no se van con la noche.  

Nos quedamos aquí, viendo una road movie sin interés. Las ramas del durazno golpean el cristal de la ventana. El olvido afila sus cuchillas.

Sabemos que incluso estos instantes terminarán empañándose, astillándose, viendo el aire ganar la memoria. Lo sabemos: casi nada se remedia.

 

 

 

 

Le vent dans les feuilles su saule construit un Paradis qui dure quelques secondes. On ne rentre pas à l’intérieur. Pas la place. Pas le temps.

Alors on reste allongé là, proche de ces ombres qui retournent le ciel avec de grandes pelles.

Un martinet prend de maigres bouffées d’air avant de fondre dans les branches. La nuit le suit de près.

 

 

 

En el follaje del sauce, el viento inventa un paraíso que dura unos segundos. No entramos. No hay espacio ni tiempo.

Así que nos quedamos acostados aquí, cerca de esas sombras que vuelcan el cielo con grandes palas. 

Un vencejo toma breves soplos de aire antes de fundirse en las ramas. La noche lo sigue de cerca.

 

 

 

Rester en plaine, dans une champagne si plate que le ciel lui glisse dessus. Laisser le soleil rebondir contre les arbres qui clignent çà et là, tiennent tête à la monotonie.

Rejoindre un champ de pâquerettes, un terrain vague dans le regard. Arracher un à un les pétales serrés de l’enfance. Prendre le temps.

 

 

Permanecer en el llano, en un paisaje tan plano que el cielo se desliza sobre él. Dejar que el sol salte entre los árboles que parpadean aquí y allá, que resisten a la monotonía.

Alcanzar un campo de margaritas, un terreno baldío en la mirada. Arrancar uno a uno los pétalos de la infancia. Tomarse el tiempo.

 

 

 

Le lierre a maintenant atteint les branches. Il s’accroche au feuillage tel le brouillard à la mémoire.

On se dit que si tant de choses tiennent, c’est qu’elles n’en ont pas fini avec les peurs étranges. Les chuchotements égarés dans les herbes trop épaisses. Les reflets déjà graves qui collent au paysage.

On se dit que l’indécision grimpe décidément haut. Loin des lumières qui vont silencieusement à ras de terre.

 

 

La yedra ha alcanzado las ramas, se aferra al follaje como la niebla a la memoria.

Si tantas cosas aguantan, nos decimos, es que no han terminado con los miedos extraños, los susurros perdidos en la yerba demasiado densa, los reflejos graves que se adhieren al paisaje. 

Nos decimos que la indecisión sube decididamente alto, lejos de las luces que van silenciosamente a ras del suelo.

 

 

 

Le sentier disparaît sèchement sous une terre de ronces. Des ombres clairsemées s’étirent dans les sens de la pente. La vie approche et pique. Déjà les échardes à ôter. Déjà les gouttes à aspirer du bout des lèvres. Déjà la solitude.

Une poussière glacial éclabousse nos pieds, nous cisèle les chevilles avant de gagner l’horizon. Et la rouille solitaire. Un torrent désormais muet. Le coin tordu du ciel. Pareil à chez soi.

 

 

El sendero desaparece bruscamente bajo las zarzas. Unas sombras dispersas se extienden hacia la pendiente. La vida se acerca y pica. Ya las astillas que debemos quitar. Ya unas gotas para aspirar con el borde de los labios. Ya la soledad.

            Un polvo glacial salpica nuestros pies, nos ciñe los tobillos antes de ganar el horizonte de hollín solitario. Un torrente ahora mudo, la esquina torcida del cielo, como en casa. 

 

 

 

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