Poesía francesa: Yves Ouallet

Leemos poesía francesa. Leemos, en versión de Audomaro Hidalgo, la primera parte de Apocalipsis para nuestro tiempo, un extenso poema escrito por Yves Ouallet (Petit-Quevilly, Normandie, 1959), coeditor de la editorial Phloème, maître de conférences en Literatura comparada y autor de los libros Petit traité des émotions, L’écriture et la vie, La Pensée errante,  L’Inde et son double, escrito en colaboración con la poeta Lara Dopff.

 

 

 

J’eus une vision.
J’étais dans l’île de Kalymnos

C’était la nuit, nuit de printemps nuit d’étoiles

Je reposais mais ne dormais point.
Je voyais le reflet de Sirius et Aldébaran

trembler sur la mer livide. Vega sortait de la montagne aride
Orion se couchait et la Lyre se levait

la Terre était déserte et le ciel était vide.
alors je fermai les yeux, et je vis la Terre entière

devenir un désert, les ruisseaux les torrents les rivières
ne coulaient plus, les fleuves charriaient la poussière

les mers pourrissaient d’immondices
les océans croupissaient sans vie

sur les collines les arbres étaient des squelettes
les montagnes elles-mêmes étaient désertiques

et le reste du globe était envahi par les villes
une seule mégalopole d’un pôle à l’autre pôle

gangrénait le sol et parasitait l’air
et dans les alvéoles obtuses et grises de ce chancre horrible

logeaient des larves gluantes et livides
qui grouillaient sans nombre et se répandaient partout

c’était ce qui restait de l’espèce humaine.
le règne urbain avait infesté toute la Terre

détruit et anéanti tous les autres règnes.
le minéral était réduit au minerai, l’or pur à l’ordure

le végétal devenu artifice, arbres morts et forêts fossiles.
des animaux seuls demeuraient les rats et les mouches

le Monde était devenu Immonde.
les poissons ne frayaient plus dans l’onde

les oiseaux ne se frôlaient plus dans l’azur.
les machines foraient le sol et fendaient le ciel

elles s’enfonçaient sous terre
en tournoyant de cercle en cercle

et tout ce qui roule et tout ce qui bouge
était rempli de formes humaines

il n’y avait plus de nuit plus de jour et tout était sombre
il n’y avait plus que des ombres

errant dans le gouffre sans nombre
et sans soleil ces ombres n’avaient plus d’ombre

elles vivaient presque toujours sous la terre
sans la lumière éclatante du jour ni l’obscure clarté de la nuit

et dans d’immenses tours privées d’air de vents de pluies
on n’entendait plus que des grondements

des grincements des vrombissements
des stridences de sirènes des sifflements sinistres

une rumeur confuse un tumulte opaque.
nul chant nulle voix nulle mélodie pas même un cri d’oiseau

les merles de l’aube et les grives du crépuscule s’étaient tus
les musiques étaient mortes, le chant du monde n’était plus.

les roseaux jaseurs, le vent violent des violons
les pleurs des saules riverains, rien ne vibrait plus

de la musique souveraine. Les grandes orgues des Temples
n’étaient plus que des gosiers de métal muets.

l’Homme ne parlait plus ni à la fleur ni à l’étoile.
l’harmonie du soir et l’harmonie des sphères

ne résonnaient plus dans les airs.
aucun parfum ne faisait plus frissonner la narine

aucune caresse sur les fleurs nues des vignes
aucune saveur dans la bouche de la terre après la pluie.

tout d’un coup un brouillard aveugle tomba sans bruit
sur la jungle morte des villes, et je ne vis plus Rien.

 

 

Je rouvris les yeux.
Et je vis d’un seul coup d’aile sur les eaux s’ouvrir ce Livre

j’entendis une voix qui lisait
tombant du blanc ruisseau de la Voie Lactée

et voici Ce qu’Elle disait :

 

 

 

 

 

 

Tuve una visión.

Estaba en la isla de Kálimnos,
era de noche, noche de primavera, noche de estrellas.

Descansaba pero ya no dormía,
veía el reflejo de Sirius y de Aldebarán

temblar en el mar lívido. Vega salía de la árida montaña,
Orión se acostaba y la Lira se levantaba.

La tierra estaba desierta y el cielo vacío.
Cerré entonces los ojos: vi toda la tierra

volverse un desierto, ya no corrían las corrientes, los torrentes,
los ríos arrastraban los desechos,

los mares se pudrían de inmundicias,
perecían sin vida.

En las colinas los árboles eran esqueletos,
las montañas desiertos

y el resto de la tierra invadido por las ciudades
una sola megalópolis; de un lado a otro

se gangrenaba el suelo y parasitaba el aire,
en los alvéolos grises de ese chancro horrible

se hospedaban larvas lívidas y viscosas
que pululaban sin fin y se esparcían por todas partes.

Sólo eso quedaba de la especie humana.
El reino urbano había infestado toda la tierra,

destruido y devastado los otros reinos.
El mineral y el oro se reducían a desechos,

lo vegetal se volvió artificio: árboles muertos y bosques fósiles;
de los animales sólo quedaban las ratas y las moscas.

El mundo se volvió inmundo.
Los peces ya no remontaban la corriente,

los pájaros ya no rozaban el aire,
las máquinas perforaban el suelo y hendían el cielo,

se hundían bajo tierra
girando en círculos,

y todo lo que giraba y todo lo que se movía
estaba lleno de formas humanas.

Ya no había noche ni día y todo era sombra.
Ya no había sino sombras

que erraban en la gruta sin nombre,
y sin el sol esas sombras no tenían más sombras,

vivían siempre bajo tierra, sin la luz
brillante del día ni la obscura claridad de la noche,

y en grandes torres privadas de aire, de viento, de lluvia
ya no se oían sino bramidos,

chillidos y zumbidos,
estridencias de sirenas y silbidos siniestros,

un rumor confuso, un tumulto opaco, ningún canto,
ninguna voz, ninguna melodía, ni siquiera un grito de pájaro.

Los mirlos del alba y los tordos del crepúsculo se habían callado.
Las músicas estaban muertas, el canto del mundo ya no era.

Los cañaverales, el viento violento de los violines,
el llanto de los sauces de las orillas, ya nada vibraba

de la música soberana y de los grandes órganos de los templos,
ya no eran sino gaznates de mudos metales,

el hombre ya no hablaba a la flor ni a la estrella,
la armonía de la noche y la armonía de las esferas

no resonaba más en el aire,
ningún perfume acariciaba la nariz,

ninguna caricia en las flores desnudas de las viñas,
ningún sabor en la boca de la tierra después de la lluvia.

De repente, una neblina ciega cayó sin ruido
en la selva muerta de las ciudades, y ya no vi nada.

De nuevo abrí los ojos.
De golpe vi abrirse este libro sobre las aguas.

Escuché una voz que leía mientras caía
del río blanco de la Vía Láctea.

He aquí lo que decía:

 

 

 

 

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