Poesía francesa: Cécile Coulon

Leemos con Audomaro Hidalgo poesía francesa contemporánea. El poeta mexicano construye un panorama de la poesía actual de Francia. Leemos a Cécile Coulon (Clermond Ferrand, 1990). Estudió Letras francesas modernas. Ha publicado las novelas Le Coeur du pélican (Éditions Viviane Hamy, 2015), Trois saisons d´orage (Éditions Viviane Hamy, 2017), Une bête au Paradis (L’Iconoclaste, Prix Littéraire du Monde, 2019), el poemario Noir Volcan (Le Castor astral, 2020), entre otros títulos. Los siguientes poemas pertenecen al libro Les Ronces (Le Castor astral), con el que obtuvo el Prix Apollinaire 2018.

 

 

 

 

 

Bientôt, Eyzahut

 
Tu as éparpillé des morceaux de mes ancêtres
dans tes vallées
sur tes flancs les chevaux endormis
ne voient pas ceux qui montent
ton cimetière au bord d´une vieille église
qu´aucun prêtre n´habite plus
qu´aucun Dieu ne visite
Eyzahut, si tu savais comme j´ai honte
je voudrais m´agripper à ta robe
à la manière d´un chat contre un arbre l´été
j´entends ces voix au printemps qui murmurent
bientôt Eyzahut, bientôt Eyzahut
quand la brume t´enrobe
de lavande et de fumée
je ne suis pas née dans tes entrailles
si tu savais elles manquent
à ma vie ces longues ascensions
pour passer au travers de tes murailles
il y a plus de chiens que d´enfants dans tes rues
je dormirai ce soir sur un oreiller mort
j´ai besoin des tes ombres, Eyzahut
comment as-tu fait pour me garder
dans tes mâchoires
sans me creuser des trous au corps ?
je me suis reposée dans les draps des falaises
tous tes feux en juillet dansaient contre la roche
je veux bien mourir de faim dans tes orages
ces forets que tu embrases
ces flèches que tu décoches
le soleil est ton arc
ceux qui vont vieillir te saluent
bientôt, Eyzahut, bientôt, Eyzahut.
La nuit, j´entends encore les grondements
de tes carrières
je sens passer sous moi le sang des lignées mortes
tu m´as donné des ailes pour venir jusqu´à toi
je n´abandonnerai pas
un feu fume davantage quand on verse
de l´eau dessus.
Bientôt, Eyzahut, bientôt, Eyzahut.

 

 

 

 

Pronto, Eyzahut

 
Tú esparciste pedazos de mis ancestros
en tus valles
en tus laderas los caballos dormidos
no ven a los que suben
por tu cementerio al borde de una vieja iglesia
que ya no habita ningún sacerdote
que ningún Dios visita
Eyzahut, si supieras lo avergonzada que me siento
quisiera aferrarme a tu vestido
como un gato contra un árbol en verano
En primavera escucho esas voces que murmuran
pronto, Eyzahut, pronto, Eyzahut
cuando la bruma te envuelve
de humo y de lavanda
No nací en tus entrañas
si supieras cuánto le faltan a mi vida
esas largas ascensiones
para pasar a través de tus murallas
Hay más perros que niños en tus calles
Esta noche dormiré con una almohada muerta
Necesito tus sombras, Eyzahut
¿Cómo has hecho para mantenerme
en tus mandíbulas
sin hacerme pedazos el cuerpo?
Descansé en las sábanas de los acantilados
en julio todos tus fuegos danzaban contra la roca
Quiero morir de hambre en tus tempestades
esos bosques que tú abrazas
esas flechas que lanzas
el sol es tu arco
Los que van a envejecer te saludan
Pronto, Eyzahut, pronto, Eyzahut
De noche escucho aún los estruendos
de tus canteras
siento correr en mí la sangre de los linajes muertos
Me diste alas para venir hasta ti
No abandonaré
Un fuego fuma más cuando se vierte
agua encima
Pronto, Eyzahut, pronto, Eyzahut.

 

 

 

 

 

Les volcans

 

Il faut qu´on parle des volcans.
Ce fut sublime de grandir au milieu des géants
aux gueules grandes ouvertes.
Enfant, chaque jour, je m´enfonçais
avec cette vitesse de fille gâtée
dans les profondeurs de la terre.
Il me suffisait de poser une oreille
contre la pierre noire que la forêt avalait
pour sentir le cœur battre ;
ils disent que le feu ne reviendra
probablement jamais.
Ce n´est pas vrai.
C´est une erreur de penser que mille années
suffisent à éteindre
le brasier des géants.
Simplement, ils se taisent ;
de temps en temps ils murmurent,
personne ne les entend.
Leurs paupières sont froissées :
quand l´été les surprend ils se couvrent
d´herbes sèches pour étouffer
le ronronnement de la vallée.
On ne m´a rien dit, rien expliqué.
Je le sais. Dedans ma poitrine
j´ai le même cratère abîmé
d´un volcan endormi dans vingt-six ans
de cendres renversées,
cerclé de prairies sombres, nourri d´une colère
chargée de tempêtes anciennes.
Il faut qu´on parle de mon volcan.
De cette robe légère que ta voix
lui a taillée, pour lui et pour lui seul,
dans la lumière.
de ce geste si simple,
quand tu glisses, en silence, sur son flanc,
quand tu poses ton oreille contre sa peau
d´écorce, de fumée et de sang
et qu´enfin se rejoignent,
dans cette heure si particuliere
où les arbres s´éteignent,
la main de la fureur mise dans celle du volcan.

 

 

 

 

Los volcanes

 

Tenemos que hablar de los volcanes.
Fue sublime crecer en medio de los gigantes
de grandes bocas abiertas.
De niña, cada día, me adentraba
con esa velocidad de chiquilla consentida
en las profundidades de la tierra.
Me bastaba con poner una oreja
contra la piedra negra que el bosque tragaba
para sentir el latido del corazón.
Dicen que el fuego no volverá
probablemente nunca.
No es cierto.
Es un error pensar que mil años bastan
para apagar las brasas de los gigantes.
Ellos simplemente se callan,
de tiempo en tiempo murmuran,
nadie los escucha.
Sus párpados están arrugados:
cuando el verano los sorprende se cubren
de hierbas secas para ahogar
el ronroneo del valle.
No me dijeron ni me explicaron nada.
Yo lo sé. Dentro de mi pecho
tengo el mismo cráter estropeado
de un volcán dormido en veintiséis años
de cenizas esparcidas,
cercado de oscuros prados, alimentado de una cólera
cargada de antiguas tempestades.
Tenemos que hablar de mi volcán.
De este vestido ligero que tu voz
le hizo, únicamente para él, en la luz.
De ese gesto tan simple
cuando te deslizas, en silencio, por su ladera,
cuando pones tu oreja contra su piel
de corteza, de humo y de sangre,
cuando al fin se unen,
en esta hora tan especial
en que los árboles se apagan,
la mano del furor puesta en la mano del volcán.

 

 

 

 

Eyzahut

 
Je reviens à moi-même quand je reviens à toi,
malgré le sang et la sueur nécessaires
pour grimper jusqu´à tes lèvres entrouvertes
sur des carrières où le vent fait grincer
le ventre de la pierre et du ciel
le plancher.
Je reviens à moi-même quand je reviens à toi ;
Tu es belle dans ta montagne de verdure
et de chèvres timides,
tu es belle dans tes lacets de goudron
que le soleil affaisse dès les premières
secousses du printemps.
Honteuse, je me courbe sous tes sourcils froncés :
la nuit, l´orage te fait des cheveux d´or
que le jour vient chasser.
Je reviens à moi-même quand je reviens à toi.
Aujourd´hui, pourtant, je t´ai quittée
encore une fois.
Je t´ai montrée à autres ;
ils te connaissaient déjà
comme on apprend une chanson
que le passé abandonne au présent
pour ne pas me laisser
seule, sans armes, et sans défense.
Je ne crois en aucun dieu sauf en celui
qui saurait effacer dans mon cœur
la haine des jours qui ne font que passer ;
cette vie en dehors de tes silences,
cette vie m´a parfaitement dressée.
Tu me regardes du haut de tes sommets
devant lesquels je reviens chaque fois
abaisser mon drapeau de larmes sourdes.
Sans toi je meurs d´ennui ;
ton église est fermée, ton herbe manque d´eau.
Malgré tout, chaque hiver,
ma voix vient se nicher
dans les plis de ton manteau.
Je reviens à moi-même quand je reviens à toi :
cette vie, elle ne te connaît pas,
elle n´a pas d´idée de ce que tu es pour moi.
je te garde en mon cœur comme un trésor malade ;
si tu savais comme elles manquent à mon ivresse
ces longues escalades
pour joindre mes doigts tremblants,
lier mes phalanges claires
sous tes fontaines pâles où palpitent tes abeilles.
Je reviens à moi-même quand je reviens à toi :
ne me laisse pas devenir une ombre,
ne m´abandonne pas dans une vallée profonde
où les chiens sont plus nombreux
que les âmes humaines,
ne m´enterre pas, vivante, sous tes collines,
ne sois pas plus cruelle
que les cruautés de mes grandes villes.
Je reviens à moi-même quand je reviens à toi ;
ce soir, je rappelle à mon sang la pensée
des jours simples où nous étions ensemble,
ma main sur ton église, ta pierre dans ma poitrine,
et dans mes yeux l´aube empoisonnée que tes falaises
ont jeté sur la terre, antique couverture
où je m´allonge enfin, comme un branche
se tend en sens inverse
pour nouer ses dernières forces
à celles de ses racines.

 

 

 

 

 

Eyzahut

 
Vuelvo a mí misma cuando regreso a ti.
A pesar de la sangre y del sudor necesarios
para trepar hasta tus labios entreabiertos
en canteras donde el viento hace chirriar
el vientre de la piedra y del cielo en el piso.
Vuelvo a mí misma cuando regreso a ti.
Eres hermosa en tu montaña de verdor
y de cabras tímidas,
hermosa con tus cordones de alquitrán
cuando el sol se asienta
con las primeras sacudidas de la primavera.
Apenada, me inclino bajo tus cejas fruncidas:
de noche, la tormenta te crea cabellos de oro
que el día viene a cazar.
Vuelvo a mí misma cuando regreso a ti.
Hoy, sin embargo, te abandoné
una vez más.
Te mostré a otros
que ya te conocían,
como se aprende una canción
que el pasado abandona en el presente
para no dejarme sola, sin armas y sin defensa.
No creo en ningún dios salvo
en el que sabría borrar de mi corazón
el odio de los días que no hacen sino pasar;
esta vida fuera de tus silencios,
esta vida me ha perfectamente levantado.
Me miras desde lo alto de tus cumbres
ante las que vuelvo cada vez
a izar mi bandera de sordas lágrimas.
Sin ti muero de aburrimiento,
tu iglesia cerrada, sin agua tu yerba.
A pesar de todo, cada invierno mi voz se anida
en los pliegues de tu abrigo.
Vuelvo a mí misma cuando regreso a ti.
Esta vida no te conoce,
no tiene idea de lo que eres para mí.
Te guardo en mi corazón como un tesoro enfermo,
si supieras cuánto extraña mi embriaguez esas largas escaladas
para unir mis dedos temblorosos,
atar mis falanges claras
bajo tus pálidas fuentes donde palpitan tus abejas.
Vuelvo a mí misma cuando regreso a ti.
No dejes que me vuelva una sombra,
no me abandones en un valle profundo
donde los perros son más numerosos que las almas humanas,
no me entierres, viva, bajo tus colinas,
no seas más cruel que las barbaries
de mis grandes ciudades.
Vuelvo a mí misma cuando regreso a ti.
Esta noche recuerdo a mi sangre el pensamiento
de los días simples en que estábamos juntos,
mi mano en tu iglesia, tu piedra en mi pecho,
y en mis ojos el alba envenenada
que tus acantilados arrojaron sobre la tierra,
antigua manta donde me acuesto,
como una rama que se tiende en sentido contrario
para atar sus últimas fuerzas
a las de sus raíces.

 

 

 

 

 

Les ronces

 
Á vrai dire j´ai la chance d´avoir un très bel avenir
derrière moi
avec des grandes maisons
hautes
blanches
des toits d´ardoise et des nids de plumes d´oie
sous les combles
où des hommes et de femmes ont fait l´amour
pour la première fois
d´abord avec des ombres
d´abord des fantômes
seul le bruit de la rivière arrive depuis la fenetre
ouverte
dehors les branches
dehors les oiseaux
dehors le monde se retire
le temps de nous laisser vivre
sans luis qui court à nos côtés
seul le bruit de l´orage arrive depuis la fenetre ouverte
la pluie balaie la surface de la terre
la rivière avance vite á travers les bois noirs
je cesserai de parler su passé le jour où j´en aurai un
où me reposer
où construire de grandes maisons
puissants
rouge sang
les gens derrière les murs épais qu´on a couvert
de chaux
les serrures ne sont pas là pour nous protéger
mais pour nous enfermer
et la pluie continue
elle
la rivière continue
elle
le courant emporte les oiseaux morts
que la foudre a touchés
seul le bruit des arbres qui s´agitent arrive depuis
la fenetre ouverte
quand les amants ferment les yeux
ils croient voir la mer où ils sont nés
ils croient voir les volcans cracher
des morceaux d´eux-mêmes
Trop brûlants pour qu´ils puissent s´en emparer
quand les amantes ferment les yeux
seul le bruit du cœur qui bat arrive
depuis les bras ouverts
le cœur continue
lui
le corps continue
lui
si fort pourtant infime au milieu du courant
les ancêtres sont passés là avant
«Nous sommes des nains sur des épaules de géants»
Ecoutez-bien :
«Des nains sur des épaules de géants»
Seul le bruit du vent dans les collines arrive
depuis la fenetre ouverte
il ne fait pas froid
il ne fait pas sombre
nous avons notre lumière
si faible pourtant vivace á travers les corridors
dans le foin des granges
dans les baignoires des palaces
ils disent : ça peut s´arrêter
parfois l´amour s´endort
longtemps
doucement
seul le bruit des heures qui s´en vont arrive
depuis la fenetre ouverte
je ne m´en fais pas
je suis en train de creuser des terriers dans ma vie
pour te faire de la place
pour que tu puisses venir fermer les yeux
oublier le sang de ceux qui vont partir bientôt
le sang continue
lui
l´orage continue
lui
de balayer la terre et les oiseaux
je vais apprendre à rester là si tu m´aides á m´asseoir
écouter la musique des flammes
tendre la bouche comme on tend l´eau à l´enfant
qui veut boire
la soif continue
elle
la langue continue
elle
d´effleurer d´autres langues pour meubler
la mémoire
seul le bruit du feu qui crache arrive
depuis la porte ouverte
je cesserai d´écrire des poèmes
le jour où l´on cessera de considérer
les hommes sincères
comme des hommes malades
en attendant la rivière continue
elle
la pluie continue
elle
demain matin les ronces vont griffer les renards
dans les bois
le ciel ce grand poumon sauvage a jeté ses filets
sur les hommes tout en bas
seul le bruit de la terre arrive depuis la fenetre
ouverte.

 

 

 

 

Las zarzas

 
A decir verdad, tengo la suerte de tener un bello futuro
detrás de mí
con grandes casas
altas
blancas
con techos de granito y nidos de pluma de ganso
bajo el desván
en donde los hombres y las mujeres hacen el amor
por primera vez
primero con sombras
primero con fantasmas
solo el ruido del río llega desde la ventana
abierta
afuera las ramas
afuera los pájaros
afuera el mundo se retira
a nuestro lado corre el tiempo
nos deja vivir sin él
solo el ruido de la tormenta llega desde la ventana abierta
la lluvia barre la tierra
el río avanza rápido atravesando oscuros bosques
dejaré de hablar del pasado el día que tenga uno
donde descansar
donde construir casas grandes
sólidas
roja sangre
la gente detrás de las paredes gruesas que cubrimos de cal
las serraduras no están hechas para protegernos
sino para encerrarnos
y la lluvia continúa
el río continúa
la corriente arrastra pájaros muertos
que el relámpago ha tocado
solo el ruido de los árboles agitándose llega desde
la ventana abierta
cuando los amantes cierran los ojos
creen ver el mar donde nacieron
creen ver los volcanes escupiendo
pedazos de sí mismos
demasiado ardientes como para apoderarse del mar
cuando los amantes cierran los ojos
solo el ruido del corazón que bate llega
desde los brazos abiertos
el corazón continúa
el cuerpo continúa
tan fuerte y sin embargo tan ínfimo en medio de la corriente
los ancestros pasaron antes por allí
«somos enanos sobre las espaldas de gigantes»
Escuchen bien:
«Enanos sobre las espaldas de gigantes»
solo el ruido del viento en las colinas llega
desde la ventana abierta
no hace frío
no está oscuro
tenemos nuestra luz
tan débil y sin embargo vivaz a través de los corredores
en el heno de los graneros
en las bañeras de los palacios
dicen: puede terminarse
a veces el amor se duerme
mucho tiempo
dulcemente
solo el ruido de las horas que se van llega
desde la ventana abierta
no me preocupo
estoy cavando madrigueras en mi vida
para hacerte un lugar
para que puedas venir a cerrar los ojos
olvidar la sangre de los que pronto van a partir
la sangre continúa
la tormenta sigue
barriendo la tierra y los pájaros
voy a aprender a quedarme ahí si me ayudas a sentarme
escuchando la música de las llamas
ofreciendo los labios como se tiende el agua al niño
que quiere beber
la sed continúa
la lengua continúa
rozando otras lenguas para amueblar la memoria
solo el ruido del fuego que escupe llega
desde la puerta abierta
dejaré de escribir poemas
el día que se deje de considerar
a los hombres sinceros como enfermos
mientras tanto el río continúa
la lluvia continúa
mañana por la mañana las zarzas arañarán a los zorros
en los bosques
el cielo ese gran pulmón salvaje ha echado sus redes
sobre los hombres abajo
solo el ruido de la tierra llega desde la ventana
abierta

 

 

 

 

Á vendre

C´est un morceau de terre noire entre deux vallées
entretenues par des troupeaux de vaches,
de brebis et des orages furieux ;
c´est dans le poing fermé des falaises
un minuscule caillou en forme de maison
que les arbres et la montagne auront
bientôt avalé.
Un endroit comme un visage sans yeux
flanqué d´une pauvre route
où les hommes ont péri,
c´est peut-etre du feu de mon enfance
la dernière braise :
il n´y a plus de lumière blanche au plafond
ni de volets qui grincent aux fenêtres du salon,
c´est un carré d´argile irrégulier qui surplombe
un bras d´eau long comme une tige de coquelicot
vue du ciel.
Il faut marcher longtemps
pour atteindre la fontaine,
apporter à ta bouche séchée la source des rochers
et raviver la flamme
au cœur de ce morceau de terre tenu serré
dans la paume du soleil.
Nous sommes montés si haut pour, enfin, vivre hors du monde,
pour, enfin, s´approcher des oiseaux
et toucher les flocons
qu´il m´est impossible, à présent, de redescendre.
Les herbes ont tout dévoré,
la rambarde chancelante est couverte
de poussière et de toiles d´araignée ;
ils disent qu´il faudrait VENDRE
comme le reste
VENDRE
les bandes dessinées, la ferme, le lait, le terrain
le parc autour du petit manoir où nous enterré
le chien
VENDRE
mon corps, ma voix, la couleur de mes cheveux
tant qu´il est encore temps.
pendant qu´ils prennent de lourdes décisions
j´attends contre le vaisselier avec une cigarette
éteinte à la main
que je n´ose pas allumer
à cause de l´odeur, de la fumée ;
VENDRE
dehors le volcan voisin a mis ses laines d´hiver
il y a des taches noires dessus
et tandis qu´il s´agit, une fois encore,
de VENDRE,
je songe à ce morceau de terre entre deux vallées
où nous n´irons jamais ensemble.
 
 

 

 

Se vende
 

Es un pedazo de tierra negra entre dos valles
habitados por rebaños de vacas,
de ovejas y tempestades furiosas;
en el puño cerrado de los acantilados
es un guijarro minúsculo en forma de casa
que los árboles y las montañas
pronto habrán devorado.
Un lugar como un rostro sin ojos
flanqueado por una angosta carretera
en donde los hombres han perecido,
quizá es del fuego de mi infancia
la última brasa.
Ya no hay luz blanca en el techo
ni persianas que chirrían en las ventanas de la sala,
es un cuadrado de arcilla irregular que sobresale,
un brazo de agua largo como un tallo de amapola
visto desde el cielo.
Hay que caminar mucho tiempo
hasta alcanzar la fuente,
llevar a tu boca seca el manantial de las rocas
y reavivar la llama
en el corazón de ese pedazo de tierra sostenido,
apretado en la mano del sol.
Subimos tan alto para, al fin, vivir fuera del mundo,
para, al fin, aproximarse a los pájaros
y tocar los copos,
que ahora me es imposible descender.
La yerba ha devorado todo,
la precaria balaustrada se ha cubierto
de polvo y de telas de araña.
Ellos dicen que habría que VENDER
como todo lo demás
VENDER
los cómics, la granja, la leche, el terreno,
el parque alrededor de la casita donde enterramos al perro.
VENDER
mi cuerpo, mi voz, el color de mis cabellos
mientras haya tiempo.
Mientras toman severas decisiones
yo espero contra la alacena con un cigarro
que no me atrevo a encender
por el olor y el humo.
VENDER.
Afuera el volcán vecino se ha puesto su ropa de invierno,
hay manchas negras en ella,
y mientras se trata, una vez más,
de VENDER,
yo sueño con ese pedazo de tierra entre dos valles
a donde nunca iremos juntos.

 

 

 

 

Ton poème

 
C´est un poème riche en images,
pauvre en divertissements.
Rassure-toi. Il ne dure pas longtemps.
Il ne reste pas. Il est plus légère qu´un sanglot,
plus fin qu´une tige de coquelicot.
Il ne demande rien parce qu´il n´a pas de langue
ni de gorge. Il ne possède pas
ce que nous avons la chance d´apprendre
dans les sous-sols de ce château en ruines
que nous appelons «enfance». Alors il marche,
bien encore après sa propre fin, en silence,
courbé sur lui-même comme un long
sucre d´orge.
c´est un poème plus vieux que la mer,
plus lourd que les volcans, puis qu´il était vivant
bien avant que je commence á l´écrire. D´autres
sont passés là ; avec leurs soleils intérieurs
ils ont bâti des monuments, tu ne t´en souviens pas.
Rassure-toi. Tu n´es pas obligée de nous suivre.
avec ou sans toi nous cheminerons ensemble,
une main de chair dans une autre de pluie
à mesure que les nuages
au-dessus des collines se rassemblent.
C´est un poème sans conséquences.
Il traverse des villes endormies
et des campagnes meuglantes.
Il ne cherche pas la bonne direction,
il ne s´inquiète pas s´il faut revenir en arrière,
il trouvera sans doute les outils adéquats
pour creuser sa propre tombe.
Rassure-toi. Il est habitué, il sait ce qu´il doit
faire quand il est seul à brûler.
Sur son passage, les chiens refusent d´aboyer.
C´est un poème qui ne renonce pas. Plus chaud
qu´une robe de laine sur une peau blanche,
plus solide que la toile d´une vieille araignée.
Il se lève tôt, à l´heure où les écoliers rêvent
qu´on est encore dimanche.
Rassure-toi. Tu n´as rien à craindre
sinon ta propre fièvre.
Il ne cherche pas à contenir la sienne.
Il ne prend pas d´importantes décisions.
C´est un poème déchiré, peureux,
qui se mouche dans ses draps. Rassure-toi.
Il ne fonctionne pas, c´est à peine s´il respire.
Pourtant, je sais, parce que je l´ai déjà surpris,
quand il me croyait loin, malade ou endormie :
le soir, dans l´ombre, il cache les miettes
de ta bouche dans les plis de ses manches.

 

 

 

 

Tu poema

 
Es un poema rico en imágenes,
pobre en diversiones.
Tranquilízate. No dura mucho tiempo.
No se queda. Es más ligero que un sollozo,
más fino que un tallo de amapola.
No pregunta nada porque no tiene lengua
ni garganta. No posee lo que nosotros
tenemos la suerte de aprender en el sótano
de ese castillo en ruinas llamado «infancia».
Entonces él camina incluso después de su fin,
en silencio, curvado en sí mismo como una larga
caña de azúcar.
Es un poema más viejo que el mar,
más pesado que los volcanes, ya que estaba vivo
mucho antes de que comenzara a escribirlo. Otros
pasaron con sus soles interiores,
construyeron monumentos, no lo recuerdas.
Tranquilízate. No estás obligado a seguirnos.
Contigo o sin ti caminaremos juntos,
una mano de carne con otra de lluvia
a medida que las nubes
arriba de las colinas se acumulan.
Es un poema sin consecuencias.
Cruza ciudades dormidas
y campos llenos de gente.
No busca la dirección correcta,
no se preocupa si hay que volver atrás,
él encontrará sin duda las herramientas necesarias
para cavar su propia tumba.
Tranquilízate. Está acostumbrado, sabe
lo que tiene que hacer cuando es el único en arder.
Cuando pasa, los perros se niegan a ladrar.
Es un poema que no renuncia. Más caliente
que un vestido de lana en una piel blanca,
más sólido que la tela de una vieja araña.
Se despierta temprano, a la hora en que los colegiales sueñan
que aún es domingo.
Tranquilízate. No tienes nada que temer
sino tu propia fiebre.
Él no busca contener la suya.
No toma decisiones importantes.
Es un poema desgarrado, poroso,
que se sacude la nariz con las sábanas. Tranquilízate.
No funciona, apenas si respira.
Sin embargo, yo sé, porque ya lo he sorprendido,
cuando me creía lejos, enferma o dormida:
en la noche, en la sombra, esconde las migas
de tu boca en los pliegues de sus mangas.

 

 

 

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