Poesía francesa: Christophe Manon

Audomaro Hidalgo construye un dossier de poesía francesa contemporánea. Nos acerca a algunos textos de Christophe Manon (Bordeaux, 1971). Ha publicado una veintena de libros, entre los cuales destacan Extrêmes et lumineux (Verdier, 2015), Au nord du futur (Nous, 2016), Jours redoutables, con fotografías de Frédéric D. Oberland (Les Inaperçus, 2017), Pâture de vent, (Verdier, 2019), Testament, d’après F. Villon, con un CD (Dernier télégramme/Bisou, 2020). El poema en verso pertenece al poemario Provisoires, de próxima aparición en la editorial Nous; los dos poemas en prosa son del libro Signes des temps. La fotografía es de rayo Reyes Osorio. 

 

 

 

 

 

le ciel opaque se coagule en caillots
de ténèbres les vieilles clameurs
du temps tombent sur les funérailles
d’un oiseau dont les os bientôt
connaîtront la froide étreinte
de la terre l’air chancelant avive
les blessures j’ai longtemps si
longtemps brûlé et d’un amour
si ardent que je suis cendre
à présent et je cherche refuge
dans la gloire impatiente du jour

 

 

 

 

el cielo opaco nublase de coágulos
de tinieblas los viejos clamores
del tiempo caen sobre las exequias
de un pájaro cuyo esqueleto pronto
conocerá de la tierra la fría
entraña el aire vacilante aviva
las heridas durante mucho tiempo
ardí durante mucho tiempo
de un amor tan ardiente
que ahora soy ceniza y busco amparo
en la gloria impaciente de los días.

 

 

 

 

Comme la lumière comme souvent le soir comme elle décline et s’estompe puis vient la nuit, c’est tout comme. Ou comme s’il y avait eux, il y avait toi, il y avait nous, il y avait lui et elle, et nous étions tous si tangibles, comme vêtus de rêve et changeant sans cesse de forme, et comme opulents, comme manifestes, tournant à une vitesse vertigineuse sous un vieux ciel de rouille, et tout cela était d’une douceur infinie. Comme des corps vaincus, comme des corps triomphants, comme étendus ensemble et semblables sur le sable, heureux peut-être à regarder la mer. Et le ressac des vagues. Ou bien était-ce du désir. Ou le vaste espace qui soudain s’ouvrait puis se refermait. Comme si cela pouvait avoir de l’importance. C’est bien cela, oui, c’est cela qui nous fut demandé. « Ici plus qu’ailleurs, l’homme peut contempler avec effroi l’abîme de misère où l’esprit de violence et la primauté de la force l’ont précipité. » Mais pitié, dit-elle, pitié. Pitié, pour la perte des roses. Un deux trois et quatre et encore un c’est toujours assez, c’est assez mais trop vite. Mais ce n’est pas un lieu, ou si peu. À se serrer les uns contre les autres. À jouer à cache-cache. À rire aux éclats et hurler et chanter et se déhancher et se divertir et tout cela pourquoi? Pourquoi? Oh pourquoi? Et comment faire face? Comment de tout cela faire signe? Marchant vers de nouveaux soleils, toujours plus grands, plus grands encore, et ce n’est pas fini. Car jamais, non jamais nous ne sommes las. Tes lèvres sur ma peau. Qu’est-ce sinon danse de particules? Une présence qui n’est peut-être pas une illusion. Ni songe ni vapeur. Où nichent précisément les morts en leur juste savoir. Un avion. Un chien. Un baiser. Un tracteur. De vieilles carcasses rouillées au bout des rangs de vigne. Un baiser. Un kilo de patates. Un dimanche. Un trèfle à quatre feuilles. Un lapin doux assez pour apaiser la peur. Et usines et machines et moteurs et solides c’est penser aussi. Et de faire les foins, de récolter les moissons, et ce n’est rien, sois sage, sois sage s’il te plaît. À sécher les larmes. Et quoi d’autre? C’est le son de ta voix qui m’émeut. Sous toutes les coutures. La rage. La rage est le luxe authentique d’une splendeur infiniment ruinée mais qui sait le prix d’une émotion partagée et rien d’autre, rien d’autre et d’avantage. À se pendre à ton cou. Voici si longtemps que j’existe, je ne peux rien oublier. Si tu n’as pas la tête à ça. Rouge. Rouge et noir, la bannière des possibles. Que loué soit l’instant où d’un élan soudain tu me pris par la main. C’est bien là la bonne mesure. Maman, c’est toi, c’est bien toi, maman, c’est toi? Qu’à présent nous avons soif. Qu’ils se nourrissent d’insectes et de limaces. Qu’elles n’ont pas froid aux yeux. Qu’assurément cela te plaît si maintenant je jouis. Ici pas plus qu’ailleurs. Prédateurs et proies. Leur mince espoir de ne pas disparaître. Leur immense espoir de ne pas disparaître. Maintenant qui n’est pas maintenant maintenant. On parvient à se retrouver dans une grande confusion. Si le temps le permet. Un crapaud, un oiseau petit, très petit ou seulement petit. Et merci, merci pour les voici. Que sont-ils devenus? Est-ce que je sais? À quel âge? Où cela nous mènera-t-il? À quoi ça rime? Qu’en dis-tu? Nous sommes en septembre, nous sommes en octobre, en novembre, en décembre, en janvier, nous sommes en février. Des morts, tant de morts, ensevelis sans funérailles. À perdre la face. Le monde ancien toujours refait surface.

 

 

 

 

Así como la luz a menudo se desvanece, la tarde declina, luego viene la noche. O como si estuviesen ellos, estabas tú, estábamos nosotros, estaban él y ella, y todos éramos si tangibles, como vestidos de sueño y cambiando sin cesar de forma, y como opulentos, como presentes, girando a una velocidad vertiginosa bajo un viejo cielo oxidado, y todo eso era de una dulzura infinita. Como cuerpos vencidos, como cuerpos triunfantes, como tendidos en la arena, juntos y parecidos, quizá felices de mirar el mar. Y la resaca de las olas. O tal vez era un deseo. O el vasto espacio que de pronto se abría cerrándose. Como si eso pudiese tener importancia. Sí, es eso, eso fue lo que se nos pidió. «Aquí, más que en ningún otro lado, el hombre puede contemplar con espanto el abismo de miseria adonde lo precipitaron el espíritu de violencia y la primacía de la fuerza». Pero piedad, dice ella, piedad. Piedad por la pérdida de las rosas. Uno dos tres y cuatro y aún otro es siempre demasiado, demasiado y muy rápido. Pero no es un lugar, o casi. Para abrazarse unos a otros. Para jugar a las escondidas. Para reír a carcajadas y gritar y cantar y bailar y divertirse y todo eso ¿para qué? ¿Para qué? ¡Oh! ¿Para qué? ¿Cómo enfrentarlo? ¿Cómo hacer un signo de todo eso? Caminando hacia soles nuevos, siempre más grandes, más grandes aún, y no ha terminado. Porque nunca, nunca estamos ahí. Tus labios en mi piel. ¿Qué es sino danza de partículas? Una presencia no es una ilusión. Ni sueño ni humo. Donde anidan precisamente los muertos en su justo saber. Un avión. Un perro. Un tractor. Viejos cadáveres pudriéndose al fondo del viñedo. Un beso. Un kilo de papas. Un domingo. Un trébol de cuatro hojas. Un conejo dulce para calmar el miedo. Y fábricas y máquinas y motores y deshechos también son para pensar. Y segar el heno, cosechar, no es nada, compórtate, por favor compórtate. Para secar las lágrimas. ¿Qué más? Es el sonido de tu voz lo que me conmueve. En todos lados. La ira. La ira es el lujo auténtico de un infinito esplendor en ruinas, pero que sabe el costo de una emoción compartida y nada más, eso y nada más. Para colgarse. He aquí que existo desde hace mucho tiempo. No puedo olvidar nada. Si no estás de humor. Rojo. Rojo y negro, el estandarte de los posibles. Que alabado sea el instante en el que de pronto me tomas de la mano. Esa es la justa medida. Mamá, ¿eres tú? ¿eres tú, mamá, eres tú? Que ahora tenemos sed. Que se alimentan de insectos y babosas. Que no tienen miedo. Que indudablemente te gusta si ahora me vengo. Aquí, más que en ningún otro lado. Predadores y presas. Su mínima posibilidad de no desaparecer. Su enorme esperanza de no desaparecer. Ahora no es ahora mismo. Nos encontramos de nuevo en una gran confusión. Si el tiempo lo permite. Un sapo, un pájaro pequeño, muy pequeño o solamente pequeño. Y gracias, gracias a ellos. ¿Qué se han hecho? ¿Acaso lo sé? ¿A qué edad? ¿Adónde nos llevará esto? ¿Qué sentido tiene? ¿Qué piensas? Estamos en septiembre, estamos en octubre, en noviembre, en diciembre, en enero, estamos en febrero. Muertos, muchos muertos, sepultados sin funerales. Para perder la cabeza. El mundo antiguo aflora siempre

 

 

 

 

 

Mais ce sont, ce sont des temps, des temps immobiles que nous avons connus, des temps immobiles. Pas un mouvement, pas un geste, pas l’ombre, pas le moindre mouvement, et cependant nous étions éperdus et chancelants, car nous sentions sous nos pieds les puissantes vibrations de la Terre et quelque part aux antipodes une immense joie incendiait l’horizon. Mais nous avions tant besoin, nous avions tant besoin d’amour. Pourquoi dès lors, pourquoi ne pas dès lors, pourquoi ne pas nous y résoudre. Qu’un fils a tué son père. Qu’il est plus que jamais nécessaire d’en finir. Que nous avons des yeux pour voir. Si tu veux, j’y consens. Qu’ouvrir les vannes n’est pas s’ouvrir les veines. Comme une appréhension. Qu’à présent nous avons soif. Que nous avons perdu le sens des réalités. Voici longtemps, bien longtemps, que je ne t’ai vue, pas même en rêve. Et cependant nous avions une activité onirique très intense, toutefois sans sommeil. Comme une foule immense et démunie et affamée de créatures entassées sur des embarcations de fortune venues échouer sur de lointains rivages. Vaille que vaille. Où trouver une, où donc, où trouver une place? Vainqueurs, mais de quoi? Qu’à cela ne tienne. Nous ne pouvions plus nous étreindre ni nous donner la main ni même partager les fines particules d’air qu’exhalent nos poumons et que polissent nos bouches. Est-ce que cela a changé? Et courent à travers bois et chassent et s’empiffrent et s’enivrent de mauvaise gnôle et soudain s’en vont par les labours gras se couvrir d’argile et de boue tels des cochons et tout cela ne veut rien dire. Tout cela n’est qu’échecs, suppositions, doutes, hypothèses, questions, ou non. Sens tu, oh sens-tu, sens-tu combien je te désire? Vaincus, mais par qui? Et j’étais étendu sur le lit à contempler mes pieds et le sang s’écoulait et rien ne se passait et c’était bien ainsi. De nouveau les oiseaux nus apprenaient à chanter et s’égayaient fiévreux dans l’air opaque et rouge, la frontière entre la vie et l’effroi n’était plus. Les marchandises s’accumulaient, les désirs s’estompaient. Nous observions les arbres et le roulis des basses nuées derrière nos fenêtres et nous écoutions la rumeur des branches comme un déchirant appel muet lourd d’un mauvais présage. L’espoir, l’espoir s’amenuisait et nichait dans quelque recoin du réel auquel nous n’avions pas accès. Nous passions ainsi du sable entre les doigts. Peut-être déjà n’étions-nous plus que spectres. Que tout cela ne soit pas oublié. Ni les larmes ni les regrets. Rieuse, ardente et le corps souple. Une caresse, aucune caresse. Toutes choses comme elles sont / et comme elles ne sont pas. Grande, très grande est la puissance de l’ennemi penché sur des cartes pour conquérir le monde. De hautes cheminées se dressent dans l’azur et crachent une noire fumée. Bêtise et mensonge et cynisme et corruption et rapacité sont les attributs du pouvoir. Mais nous gardons les poings serrés et nous agitons les bras car rien de ce qui est humain ne nous est étranger. Prédateurs et proies. Frêles et tremblants. Que les os se séparent et que les murs se fendent et que s’ouvrent grand les tranchées. Si nous voulons, pourquoi ne pourrions-nous pas? Une suffocation. Un vertige. Un saisissement. C’est l’heure, voici venir la nuit, et derrière se tient tout l’énorme univers et les sphères étoilées en leur vaste séjour. Quelle chose, quelle chose prodigieuse, étonnante et magnifique c’est de vivre. Et comme les yeux s’ouvrent, c’est ainsi qu’ils se ferment

 

 

 

 

Pero son, son tiempos, tiempos inmóviles que hemos conocido, tiempos inmóviles. Ningún movimiento, ningún gesto, ni la sombra, ni el menor movimiento, y sin embargo estábamos locos y endebles, porque sentíamos bajo nuestros pies las vibraciones poderosas de la Tierra y en algún lugar de las antípodas una inmensa alegría incendiaba el horizonte. Pero teníamos tanta necesidad, teníamos tanta necesidad de amor. Por qué desde entonces, por qué no desde entonces resolverlo. Que un hijo mató a su padre. Que ahora más que nunca es necesario terminarlo. Que abrir las válvulas no es abrirse las venas. Que ahora tenemos sed. Que hemos perdido el sentido de las realidades. Como una inquietud. Si quieres, lo acepto. Hace mucho, mucho tiempo que no te he visto, ni siquiera en sueños. Y sin embargo teníamos una actividad onírica muy intensa, incluso sin dormir. Como una muchedumbre, hambrienta y desfavorecida, de criaturas amontonadas en embarcaciones precarias, encalladas en orillas lejanas. Mal que bien. ¿Dónde encontrar, dónde, dónde encontrar un lugar? Vencedores, pero ¿de qué? No importa. Ya no podíamos abrazarnos ni darnos la mano, ni siquiera compartir las partículas finas de aire que exhalan nuestros pulmones y pulen nuestros labios. ¿Ha cambiado? Y corren en el bosque y cazan y se sacian y se emborrachan con aguardiente y de pronto se van por la labranza a cubrirse de barro y lodo como cerdos y todo eso no quiere decir nada. Todo eso no es sino fracasos, suposiciones, dudas, hipótesis, preguntas, o no. ¿Sabes, oh sabes tú, sabes cuánto te deseo? Vencidos, pero ¿por quién? Y yo estaba tendido en la cama contemplando mis pies y la sangre fluía y nada sucedía y estaba bien así. De nuevo los pájaros desnudos aprendían a cantar y febriles se alegraban en el aire opaco y rojo, la frontera entre la vida y el espanto ya no existía. Las mercancías se acumulaban, los deseos se desvanecían. Observábamos los árboles y el paso de las nubes bajas detrás de nuestras ventanas y escuchábamos el rumor del follaje, como una sorda señal desgarradora, cargada de un mal presagio. La esperanza, la esperanza disminuía y anidaba en algún rincón de lo real al que no teníamos acceso. Corría la arena entre los dedos. Quizá no éramos ya sino espectros. Que no se olvide todo esto. Ni las lágrimas ni los lamentos. Risueña, ardiente y el cuerpo delicado. Una caricia sin caricia. Las cosas como son/y como no son. Grande, muy grande es el poder del enemigo asomado en mapas para conquistar el mundo. Altas chimeneas se alzan en el aire y escupen un humo negro. Idiotez y mentira y cinismo y corrupción y rapacidad son los atributos del poder. Pero nosotros conservamos el puño apretado y alzamos los brazos porque nada humano nos es ajeno. Predadores y presas. Frágiles y temerosos. Que los huesos se disuelven y los muros se vienen abajo y grandes se abren las zanjas. Si queremos, ¿por qué no podríamos? Una sofocación. Un vértigo. Un sobrecogimiento. La hora de la noche ha llegado, atrás permanece el enorme universo y los astros en su vasto dominio. ¡Qué prodigioso, qué extraño y magnifico es vivir! Así como se abren, los ojos se cierran.

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